T.

The best remedy against delinquency by Mélanie Klein

Here is the translation into 1930s academic English:”Love is not absent in the criminal, but hidden so deeply that nothing but analysis can bring it to light; as the persecutory and hated object was initially, for the infant, the recipient of all its love and libido, the criminal finds himself in the position of hating and persecuting his own beloved object; this is an untenable situation: all memory, all consciousness of love for any object must therefore be suppressed. If there are only enemies in the world, as the criminal feels, his hatred and his urge to destroy are largely justified in his view; this attitude alleviates some of his unconscious feelings of guilt. Hatred is often used as the most effective mask for love; but it must not be forgotten that for a subject constantly exposed to persecution, the sole concern is the security of one’s own self. In summary: in cases where the superego‘s main function is to provoke anxiety, it calls upon violent, non-ethical, and non-social defense mechanisms in the ego; but as soon as the child’s sadism decreases and the nature and function of his superego transform in such a way that it appeals to less overwhelming anxiety and stronger guilt, the defense mechanisms that underlie an ethical and moral attitude are activated, and the child begins to regard his objects and open up to social feelings. We know how difficult it is to approach the adult criminal and to cure him, although we have no reason to be too pessimistic in this area; experience shows that it is possible to make contact with criminal children as well as psychotic children, and to cure them. It thus seems that the best remedy against delinquency would be to analyze children who show signs of abnormality in the sense of psychosis or criminality.

L’amour n’est pas absent chez le criminel, il est caché et si bien enseveli que rien ne peut l’amener au jour si ce n’est l’analyse; comme l’objet persécuteur et haï était à l’origine, pour le petit bébé, l’objet de tout son amour et de sa libido, le criminel se trouve dans la situation de haïr et de persécuter son propre objet d’amour; c’est là une situation insupportable: tout souvenir, toute conscience d’un amour pour quelque objet que ce soit, doivent donc être supprimés. S’il n’existe au monde que des ennemis, et c’est cela que le criminel éprouve, sa haine et son envie de détruire sont, à son avis, en grande partie justifiées; cette attitude soulage certains de ses sentiments inconscients de culpabilité. La haine est souvent utilisée comme le masque le plus efficace de l’amour; mais il ne faut pas oublier que pour un sujet constamment exposé à la persécution, la seule préoccupation est la sécurité de son propre moi. Résumons-nous: dans les cas où le surmoi a pour fonction principale d’éveiller l’angoisse, il fait appel, dans le moi, à de violents mécanismes de défense, non éthiques et non sociaux par nature; mais dès que le sadisme de l’enfant diminue et que le caractère et la fonction de son surmoi se transforment de telle sorte que celui- ci fait appel à une angoisse moins écrasante et à une culpabilité plus forte, les mécanismes de défense qui constituent la base d’une attitude éthique et morale sont mis en marche, et l’enfant commence à avoir des égards pour ses objets et à s’ouvrir aux sentiments sociaux. Nous savons comme il est difficile d’aborder le criminel adulte et de le guérir, encore que nous n’ayons aucune raison d’être trop pessimistes dans ce domaine; l’expérience montre qu’il est possible d’entrer en contact avec les enfants criminels comme avec les enfants psychotiques, et de les guérir. Il semble donc que le meilleur remède contre la délinquance serait d’analyser les enfants qui donnent des signes d’anormalité dans le sens de la psychose ou dans celui de la criminalité. 

Mélanie Klein, Essais de psychanalyse 1921-1945, Payot, Paris, 1993, p. 310

M.

Military-industrial complex by Dwight D. Eisenhower

A vital element in keeping the peace is our military establishment. Our arms must be mighty, ready for instant action, so that no potential aggressor may be tempted to risk his own destruction. Our military organization today bears little relation to that known by any of my predecessors in peace time, or indeed by the fighting men of World War II or Korea. Until the latest of our world conflicts, the United States had no armaments industry. American makers of plowshares could, with time and as required, make swords as well. But now we can no longer risk emergency improvisation of national defense; we have been compelled to create a permanent armaments industry of vast proportions. Added to this, three and a half million men and women are directly engaged in the defense establishment. We annually spend on military security more than the net income of all United State corporations. This conjunction of an immense military establishment and a large arms industry is new in the American experience. The total influence – economic, political, even spiritual – is felt in every city, every state house, every office of the Federal government. We recognize the imperative need for this development. Yet we must not fail to comprehend its grave implications. Our toil, resources and livelihood are all involved; so is the very structure of our society. In the councils of government, we must guard against the acquisition of unwarranted influence, whether sought or unsought, by the military-industrial complex. The potential for the disastrous rise of misplaced power exists and will persist.

President Dwight D. Eisenhower’s Farewell Address (1961)

Un élément vital dans le maintien de la paix est notre établissement militaire. Nos armes doivent être puissantes, prêtes pour une action immédiate, afin qu’aucun agresseur potentiel ne puisse être tenté de risquer sa propre destruction. Notre organisation militaire d’aujourd’hui a peu de rapport avec celle connue par mes prédécesseurs en temps de paix, ou même par les combattants de la Seconde Guerre mondiale ou de Corée. Jusqu’au dernier de nos conflits mondiaux, les États-Unis n’avaient pas d’industrie d’armement. Les fabricants américains de charrues pouvaient, avec le temps et selon les besoins, fabriquer des épées également. Mais désormais, nous ne pouvons plus nous permettre une improvisation d’urgence de la défense nationale ; nous avons été contraints de créer une industrie permanente d’armement de vastes proportions. À cela s’ajoute que trois millions et demi d’hommes et de femmes sont directement engagés dans l’établissement de défense. Nous dépensons annuellement pour la sécurité militaire plus que le revenu net de toutes les sociétés des États-Unis. Cette conjonction d’un immense établissement militaire et d’une grande industrie d’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. L’influence totale – économique, politique, voire spirituelle – se fait sentir dans chaque ville, chaque maison d’État, chaque bureau du gouvernement fédéral. Nous reconnaissons le besoin impératif de ce développement. Pourtant, nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications. Notre labeur, nos ressources et nos moyens de subsistance sont tous impliqués ; ainsi que la structure même de notre société. Dans les conseils du gouvernement, nous devons nous garder de l’acquisition d’une influence indue, qu’elle soit recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le potentiel pour l’ascension désastreuse d’un pouvoir mal placé existe et persistera.

I.

I strive to negotiate my fear and paranoia by Calvin C. Hernton

A rage emanates out of the suffocating fearful feelings of persecution that, if no outlet is found, will explode. During the 1960s two black psychiatrists, William Greer and Price Cobb, published a book-length study about this phenomenon in black male youth, entitled Black Rage (1968). During the 1960s and 70s, the comic, Dick Gregory, tended to interpret every act of injustice experienced by black people as part of a larger ‘conspiracy’ to damage and destroy black people.
After the system of slavery was abolished, another apartheid-like system known as ‘Jim Crow’ segregation and discrimination against black people was established. Out of this system of inequality and police brutality, which replaced slavery, the psyche system of paranoia between whites and blacks was solidified in the United States and is ongoing to this day. Thus, despite having lived where the police are not a menace, whenever white policemen enter the space where I am, I experience anxiety and fear. I can be rational and control this ‘pathology’. Yet, similar to black people everywhere in the United States, particularly the youth in their own neighborhoods, I too live with a measured sense of being persecuted by the police. And I strive to negotiate my fear and paranoia in ways that help me survive both the imagined and very real animosity and brutality of the police toward all people whose complexion and status in the eyes of the world are similar to mine.

William Grier and Price Cobe talks about their Black Rage book, in 1968

Une rage émane des sentiments suffocants et craintifs de persécution qui, faute de débouché, explosera. Durant les années 1960, deux psychiatres noirs, William Greer et Price Cobb, ont publié une étude détaillée sur ce phénomène chez les jeunes hommes noirs, intitulée La Rage Noire (1968). Pendant les années 60 et 70, le comique Dick Gregory avait tendance à interpréter chaque acte d’injustice vécu par les personnes noires comme partie intégrante d’une ‘conspiration’ plus large visant à les blesser et les détruire.
Après l’abolition du système d’esclavage, un autre système semblable à l’apartheid, connu sous le nom de ségrégation et discrimination “Jim Crow” envers les personnes noires, a été établi. De ce système d’inégalité et de brutalité policière, qui a remplacé l’esclavage, le système psychique de paranoïa entre blancs et noirs s’est solidifié aux États-Unis et persiste jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, bien que je vive dans un lieu où la police n’est pas une menace, chaque fois que des policiers blancs entrent dans l’espace où je me trouve, je ressens de l’anxiété et de la peur. Je peux être rationnel et contrôler cette ‘pathologie’. Pourtant, à l’instar des personnes noires partout aux États-Unis, particulièrement les jeunes dans leurs propres quartiers, je vis aussi avec un sentiment mesuré d’être persécuté par la police. Et je m’efforce de négocier ma peur et ma paranoïa de manière à me permettre de survivre à l’animosité et à la brutalité, imaginées et bien réelles, de la police envers toutes les personnes dont le teint et le statut aux yeux du monde sont similaires aux miens.

Calvin C. Hernton, “Between history and me” in Even paranoids have enemies : new perspectives on paranoia and persecution, Routledge, London, 1998, p. 175

Trailer of the biographical documentary about Dick Gregory
P.

Paranoiacs expect love from all strangers by Sigmund Freud

The patient derived the facts of his attack from observing the smallest signs by which the woman’s completely unconscious coquetry had betrayed itself to him, where no one else would have seen anything. Sometimes she had inadvertently brushed her hand against the man next to her, sometimes she had tilted her face too far towards him and had given him a smile more familiar than if she were alone with her husband. He was extraordinarily attentive to all these manifestations of his unconscious and took pains to interpret them rigorously, so much so that in truth he was always right and could still appeal to analysis to confirm his jealousy. In truth, his anomaly was that he observed his wife’s unconscious too closely and attached far more importance to it than anyone else would have thought possible.
We should remember that persecuted paranoiacs behave in a very similar way. They too do not recognise anything indifferent in others and, in their delusion of relationship, solicit the smallest clues from others, from strangers. The meaning of this delusion of relationship is precisely that they expect something like love from all strangers but the others show them nothing of this kind, they laugh at them in their presence, brandish their canes and spit on the ground as they pass, and really this is what you do not do when you take the slightest friendly interest in the person in the neighbourhood. Or else, you only do this when that person is completely indifferent to you, when you can treat him or her like the air around you, and the paranoid is not so wrong, as far as the fundamental kinship of the concepts of ‘foreigner’ and ‘hostile’ is concerned, in feeling such indifference, in response to his or her demand for love, as hostility.

Sigmund Freud, “Certain neurotic mechanisms in jealousy, paranoia and homosexuality” in International Review of Psycho-Analysis, 4, 1–10, London, 1923

Le malade tirait les faits dont prenait donnée son accès, de l’observation des plus petits signes par où la coquetterie pleinement inconsciente de la femme s’était trahie pour lui, là où nul autre n’eût rien vu. Tantôt elle avait frôlé de la main par mégarde le monsieur qui était à côté d’elle, tantôt elle avait trop penché son visage vers lui et lui avait adressé un sourire plus familier que si elle était seule avec son mari. Pour toutes ces manifestations de son inconscient il montrait une attention extraordinaire et s’entendait à les interpréter avec rigueur, si bien qu’à vrai dire il avait toujours raison et pouvait encore en appeler à l’analyse pour confirmer sa jalousie. En vérité, son anomalie se réduisait à ce qu’il portait sur l’inconscient de sa femme une observation trop aiguë et qu’il y attachait beaucoup plus d’importance qu’il ne serait venu à l’idée de tout autre.
Souvenons nous que les paranoïaques persécutés se comportent de façon tout à fait analogue. Eux aussi ne reconnaissent chez autrui rien d’indifférent et, dans leur délire de relation, sollicitent les plus petits indices que leur livrent les autres, les étrangers. Le sens de ce délire de relation est précisément qu’ils attendent de tous les étrangers quelque chose comme de l’amour, mais les autres ne leur montrent rien de pareil, ils se gaussent en leur présence, brandissent leurs cannes et crachent aussi bien par terre sur leur passage, et réellement c’est là ce qu’on ne fait pas lorsqu’on prend à la personne qui est dans le voisinage le moindre intérêt amical. Ou alors, on ne fait cela que lorsque cette personne vous est tout à fait indifférente, lorsqu’on peut la traiter comme l’air ambiant, et le paranoïaque n’a, quant à la parenté foncière des concepts d’« étranger » et d’« hostile », pas si grand tort, en ressentant une telle indifférence, en réponse à son exigence amoureuse, à la façon d’une hostilité.

Sigmund Freud, “De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité “(1922) in Premiers écrits , Le Seuil, Paris, 2023, pp. 133-134

Sigmund Freud, “De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité “(1922) In Travaux et interventions / Jacques Lacan, trad. Jacques Lacan, Association Régionale de l’éducation permanente, Alençon, 1977

P.

Paranoiacs do not project it into the sky by Sigmund Freud

We begin to see that we describe the behaviour of both jealous and persecuted paranoiacs very inadequately by saying that they project outwards on to others what they do not wish to recognize in themselves. Certainly they do this; but they do not project it into the sky, so to speak, where there is nothing of the sort already. They let themselves be guided by their knowledge of the unconscious, and displace to the unconscious minds of others the attention which they have withdrawn from their own.

Sigmund Freud, “Certain neurotic mechanisms in jealousy, paranoia and homosexuality” in International Review of Psycho-Analysis, 4, 1–10, London, 1923

Or nous avons le sentiment de décrire de manière très insuffisante le comportement du paranoïaque, le jaloux comme le persécuté, en disant qu’ils projettent vers l’extérieur, sur d’autres, ce qu’ils ne veulent pas percevoir dans leur propre intérieur. Certes, c’est ce qu’ils font, mais ils ne projettent pas pour ainsi dire dans le vague, pas là où ne se trouve rien d’analogue, au contraire ils se laissent guider par leur connaissance de l’inconscient et déplacent sur l’inconscient des autres l’attention qu’ils soustraient à leur propre inconscient.

Sigmund Freud, “De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité “(1922) In Travaux et interventions / Jacques Lacan, trad. Jacques Lacan, Association Régionale de l’éducation permanente, Alençon, 1977

Sigmund Freud, “De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité “(1922) In Jacques Lacan, Premiers écrits, Editions du Seuil, 2023, Paris, p. 134

P.

Projection in normal life by Salomon Resnik

‘The purpose of paranoia is to fend off an idea that is incompatible the ego, by projecting its substance into the external world’* (Freud), He goes on to say that two questions arise one is the transposition of this feeling (or relocation, removal in the sense of moving house) and the other is whether it applies to other cases of paranoia. For Freud, transposition or projection is a very common psychic mechanism. He seems here to be concerned with a quantitative increase in paranoïa of an otherwise normal phenomenon. But in Frau P.’s case he speaks also of distortion of perception – and therefore of a qualitative or substantial aspect. Freud suggests also the idea of a clinical differentiation between normal and pathological projection, in which case projection has its place in normal life; it is only abnormal or distorted projection which participates in the pathological or deluded perception of the world.

“Le but de la paranoïa est de repousser une idée incompatible avec le moi, en projetant sa substance dans le monde extérieur”* (Freud). Il poursuit en disant que deux questions se posent : l’une est celle de la transposition de ce sentiment (ou de la délocalisation, du déménagement au sens de l’emménagement) et l’autre est de savoir si elle s’applique à d’autres cas de paranoïa. Pour Freud, la transposition ou la projection est un mécanisme psychique très courant. Il semble ici s’intéresser à une augmentation quantitative de la paranoïa d’un phénomène par ailleurs normal. Mais dans le cas de Frau P., il parle aussi de distorsion de la perception – et donc d’un aspect qualitatif ou substantiel. Freud suggère également l’idée d’une différenciation clinique entre la projection normale et la projection pathologique, auquel cas la projection a sa place dans la vie normale ; ce n’est que la projection anormale ou déformée qui participe à la perception pathologique ou illusoire du monde.

Salomon Resnik, “Being in a persecutory world” in Even paranoids have enemies : new perspectives on paranoia and persecution, Routledge, London, 1998, p. 20

* Sigmund Freud, The standard edition of the complete psychological works of Sigmund Freud (1886-1889), vol.1, Hogarth Press, London, 1999, p. 209

P.

Paranoia : self-reproach as projection by Sigmund Freud

It only remains for me now to employ what has been learned from this case of paranoia for making a comparison between paranoia and obsessional neurosis. In each of them, repression has been shown to be the nucleus of the psychical mechanism, and in each what has been repressed is a sexual experience in childhood. In this case of paranoia, too, every obsession sprang from repression; the symptoms of paranoia allow of a classification similar to the one which has proved justified for obsessional neurosis. Part of the symptoms, once again, arise from primary defence – namely, all the delusional ideas which are characterized by distrust and suspicion and which are concerned with ideas of being persecuted by others. In obsessional neurosis the initial self-reproach has been repressed by the formation of the primary symptom of defence: self-distrust. With this, the self-reproach is acknowledged as justified; and, to weigh against this, the conscientiousness which the subject has acquired during his healthy interval now protects him from giving credence to the self-reproaches which return in the form of obsessional ideas. In paranoia, the self-reproach is repressed in a manner which may be described as projection. It is repressed by erecting the defensive symptom of distrust of other people. In this way the subject withdraws his acknowledgement of the self-reproach; and, as if to make up for this, he is deprived of a protection against the self-reproaches which return in his delusional ideas.

Sigmund Freud, FURTHER REMARKS ON THE NEURO-PSYCHOSES OF DEFENCE (1896), Click to access neuropsyremark.pdf

Il ne me reste plus qu’à utiliser ce que nous a appris ce cas de paranoïa pour une comparaison de la paranoïa et de la névrose obsessionnelle. Dans l’une et dans l’autre, il est montré que le refoulement est le noyau du mécanisme psychique, et le refoulé est dans les deux cas une expérience de l’enfance. Dans ce cas de paranoïa aussi, toute compulsion provient du refoulement ; les symptômes de la paranoïa admettent une classification semblable à celle qui s’est révélée justifiée pour la névrose obsessionnelle. Ici aussi, une partie des symptômes naît de la défense primaire : toutes les idées délirantes de méfiance, de suspicion, de persécution par les autres. Dans la névrose obsessionnelle, le reproche initial a été refoulé par formation du symptôme primaire de défense : la méfiance à l’égard de soi-même. De ce fait, le reproche est reconnu comme justifié ; en compensation, l’importance acquise, pendant l’intervalle sain, par la scrupulosité protège le sujet d’avoir à accorder sa croyance au reproche qui fait retour sous forme de représentations obsédantes. Dans la paranoïa, le reproche est refoulé sur une voie qu’on peut désigner comme projection, et le symptôme de défense qui est érigé est celui de la méfiance à l’égard des autres ; la reconnaissance est ainsi refusée au reproche, et, comme par représailles, il n’existe aucune protection contre les reproches qui font retour dans les idées délirantes.

https://www.biusante.parisdescartes.fr/normastim/biblio/cherici_20150213_01.pdf

Sigmund Freud, “Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense” in Névrose, Psychose et Perversion, PUF, Paris, p. 80

P.

Projecting inner persecution by Salomon Resnik

He thought that she was blaming herself for being a ‘bad’ woman, which shows how the early Freud had an intuition abo the existence of something he was much later to call the persecutory super ego. Freud seems to suggest that the patient was avoiding an upsetting inner judgement by ejecting it into the outer world (Verwerfung) – that is, she was projecting her upsetting ‘concrete’ inner persecution. Freud uses the expression projecting its substance.

Il pensait qu’elle se reprochait d’être une “mauvaise” femme, où l’on voit que le premier Freud avait déjà une intuition de l’existence de quelque chose qu’il appellera plus tard le surmoi persécuteur. Freud semble suggérer que la patiente évitait un jugement intérieur dérangeant en l’éjectant dans le monde extérieur (Verwerfung) – c’est-à-dire qu’elle projetait sa persécution intérieure “concrète” dérangeante. Freud utilise l’expression “projeter sa substance”.

Salomon Resnik, “Being in a persecutory world” in Even paranoids have enemies : new perspectives on paranoia and persecution, Routledge, London, 1998, p. 22

P.

Persecutory delusion by DSM 5

Delusions are fixed beliefs that are not amenable to change in light of conflicting evidence. Their content may include a variety of themes (e.g., persecutory, referential, somatic, religious, grandiose). Persecutory delusions (i.e., belief that one is going to be harmed, harassed, and so forth by an individual, organization, or other group) are most common. Referential delusions (i.e., belief that certain gestures, comments, environmental cues, and so forth are
directed at oneself) are also common.

DSM-5, American psychiatric association cop., Washington, 2013, p.87

Les idées délirantes sont des croyances figées qui ne changent pas face à des évidences qui les contredisent. Leur contenu peut comprendre divers thèmes (p. ex. thème de persécution, thème de référence, thème somatique, thème religieux, thème mégalomaniaque). Les idées délirantes de persécution (c.-à-d. la croyance que l’on peut être agressé, harcelé, etc. par un individu, une organisation ou d’autres groupes) sont les plus fréquentes. Les idées délirantes de référence (c.-à-d. la croyance que certains gestes, commentaires ou éléments de l’environnement, etc. sont destinés spécifiquement à la personne) sont aussi assez fréquentes.

DSM-5 : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux / American psychiatric association ; Marc-Antoine Crocq et Julien Daniel Guelfi ; p.103

American Psychiatric Association, Diagnostic and statistical manual of mental disorders : DSM-5, Washington, 2013, p. 87

P.

Positive correlations by Collazzoni, Larøi, Laloyaux

Correlational analyses (Table 2) demonstrated significant and positive correlations between the PDI-P and the RFQ, the CHS, and the FHS. The RFQ was found to be significantly and positively correlated with the CHS and the FHS. Finally, the CHS was significantly and positively correlated with the FHS. The results of the hierarchical multiple regression analysis are reported in Table 3. First, step 1 revealed that the RFQ was a significant predictor of persecutory ideation proneness (β = 0.23), explaining 5% of the PDI-P variance. Step 2 revealed that the RFQ and CHS together explained 8% of the persecutory ideation proneness variance. In particular, the CHS explained 3% of the PDI-P (β = 0.20). Step 3 revealed that the FHS was not a significant predictor of PDI-P (β = 0.08).

Humilitation - Persecution - Collazzoni - Laloyaux - Larøi - Table 2

Humilitation - Persecution - Collazzoni - Laloyaux - Larøi - Table 3

Les analyses corrélatives (tableau 2) ont démontré des corrélations significatives et positives entre le PDI-P et le RFQ, le CHS et le FHS. La RFQ est significativement et positivement corrélée avec la CHS et la FHS. Enfin, le CHS est significativement et positivement corrélé avec le FHS. Les résultats de l’analyse hiérarchique de régression multiple sont présentés dans le tableau 3. Tout d’abord, l’étape 1 a révélé que le RFQ était un prédicteur significatif de la propension aux idées persécutrices (β = 0,23), expliquant 5 % de la variance du PDI-P. L’étape 2 a révélé que la RFQ et le CHS expliquaient ensemble 8 % de la variance de la propension aux idées persécutrices. En particulier, le CHS a expliqué 3 % de la variance du PDI-P (β = 0,20). L’étape 3 a révélé que le FHS n’était pas un prédicteur significatif de la PDI-P (β = 0,08).

Alberto Collazzoni, Julien Laloyaux, Frank Larøi, “Examination of humiliation and past maladaptive family context in persecutory ideation: An exploratory study” in Comprehensive Psychiatry – Volume 78, 2017, Pages 19-24,
ISSN 0010-440X,
https://doi.org/10.1016/j.comppsych.2017.06.015.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0010440X16306575

PDI-P : Peters et al. Delusions Inventory-Persecution

RFQ : Risky Family Questionnaire

CHS : Cumulative Humiliation Subscale

FHS : Fear of Humiliation Subscale

H.

Humiliation and persecutory ideation by Collazzoni, Larøi, Laloyaux

The present study suggests that past interpersonal humiliation events and a maladaptive family context play a role in the development of persecutory ideation. It may be important to implement early interventions in high-risk families, among other matters, in order to prevent the development of persecutory ideation, and it may prove helpful to implement psychotherapeutic interventions aiming to counteract the effects of potentially past traumatic events in patients’ life (e.g., imagery with rescripting techniques) in order to reduce persecutory ideation.

La présente étude suggère que les événements d’humiliation interpersonnelle passés, et un contexte familial inadapté, jouent un rôle dans le développement de l’idéation persécutrice. Il peut être important de mettre en œuvre des interventions précoces dans les familles à haut risque, entre autres, afin de prévenir le développement de l’idéation persécutrice, et il peut s’avérer utile de mettre en œuvre des interventions psychothérapeutiques visant à contrecarrer les effets des événements potentiellement traumatiques passés dans la vie des patients (par exemple, l’imagerie avec des techniques de rescripting) afin de réduire l’idéation persécutrice.

Alberto Collazzoni, Julien Laloyaux, Frank Larøi, “Examination of humiliation and past maladaptive family context in persecutory ideation: An exploratory study” in Comprehensive PsychiatryVolume 78, 2017, Pages 19-24,
ISSN 0010-440X,
https://doi.org/10.1016/j.comppsych.2017.06.015.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0010440X16306575

I.

Interpretive delusion is often seen as a mode of recovery by Benjamin Lévy and Alain Vanier

We speak, here, in terms of logical time, not chronological. In this relation, the interpretive delusion is often seen as a mode of recovery from chronic hallucinatory psychosis: by resorting to the postulate “Such and such an Other is persecuting me,” the subject becomes able to answer the question “What is happening to me?”. In the claim delusion, the occurrence of harm and the existence of an Object identified as the cause of the desire of an indeterminate Other (closer to “we” than to “he”) allow him not to remain uncertain about the intentions of the adverse instance. Through his delusion, the “claimant” implicitly completes the sentence that sums up the delusion of persecution, to state: “An Other (persecutes me because he) wants my Object”. This position makes it possible to contain the anguish induced by the desire of the Other (“What does he want from me?”) by reducing the question to a univocal answer: “It is not me that he wants, it is my Object that he wants”. The switch to the active register (“but I won’t let myself be done”) has the effect of overcoming the anxiety of retaliation.
If our hypotheses are correct, there are thus:
1. Identification of the persecution as the cause of the emergence of an experience of strangeness (“The Other persecutes me…”);
2. Designation of the Object as the cause of the desire of the Other (“… because they want my Object… “);
3. Struggle against the feeling of dispossession (“… but I will not let myself be dispossessed “).

Table of interpretation or claim delusions by Benjamin Lévy and Alain Vanier
interpretation or claim delusions

Nous parlons, ici, en termes de temps logiques, et non chronologiques. Sous ce rapport, on considère souvent que le délire d’interprétation est un mode de guérison de la psychose hallucinatoire chronique  : en recourant au postulat « Tel Autre me persécute », le sujet devient capable de répondre à la question « Que m’arrive-t-il ? ». Dans le délire de revendication, la survenue d’un préjudice et l’existence d’un Objet identifié comme cause du désir d’un Autre indéterminé (plus proche du « on » que du « il ») lui permettent de ne pas rester dans l’incertitude quant aux intentions de l’instance adverse. À travers son délire, le « revendicateur » complète implicitement la phrase qui résume le délire de persécution, pour énoncer : « Un Autre (me persécute parce qu’il) veut mon Objet » Cette position permet de contenir l’angoisse induite par le désir de l’Autre (« Que me veut-il ? ») en rabattant la question sur une réponse univoque : « Ce n’est pas à moi qu’il en veut, c’est mon Objet qu’on veut ». La bascule dans le registre actif (« mais je ne me laisserai pas faire ») a pour effet de surmonter l’angoisse de rétorsion.
Si nos hypothèses sont exactes, il y a donc :
1. Identification de la persécution comme cause de l’émergence d’un vécu d’étrangeté (« L’Autre me persécute… ») ;
2. Désignation de l’Objet comme cause du désir de l’Autre (« … parce qu’on veut mon Objet… ») ;
2. Lutte contre le sentiment de dépossession (« … mais je ne me laisserai pas faire »).

Benjamin Lévy, Alain Vanier, « Pour introduire une clinique de la revendication », Cliniques méditerranéennes, 2016/1 (n° 93), p. 161-174.
DOI : 10.3917/cm.093.0161.
URL : https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2016-1-page-161.htm

T.

They do not really “accept” him by Erving Goffman

The stigmatized individual tends to hold the same beliefs about identity that we do; this is a pivotal fact. His deepest feelings about what he is may be his sense of being a normal person, a human being like anyone else, a person, therefore, who deserves a fair chance and a fair break. (Actually, however phrased, he bases his claims not on what he thinks is due everyone, but only everyone of a selected social category into which he unquestionably fits, for example, anyone of his age, sex, profession, and so forth.)
Yet he may perceive, usually quite correctly, that whatever others profess, they do not really “accept” him and are not ready to make contact with him on equal grounds. Further, the standards he has incorporated from the wider society equip him to be intimately alive to what others see as his failing, inevitably causing him, if only for moments, to agree that he does indeed fall short of whit he really ought to be. Shame becomes a central possibility, arising from the individual’s perception of one of his own attributes as being a defiling thing to possess, and one he can readily see himself as not possessing. The immediate presence of normals is likely to reinforce this split between self-demands and self, but in fact self-hate and self-derogation can also occur when only he and a mirror are about.

L’individu stigmatisé tend à avoir les mêmes idées que nous sur l’identité. C’est là un fait capital. Certes, ce qu’il éprouve au plus profond de lui-même, ce peut être le sentiment d’être une personne normale », un homme semblable à tous les autres, une personne, donc, qui mérite sa chance et un peu de répit. (En fait, de quelque façon qu’il exprime sa revendication, il la fonde sur ce qu’il estime du, non à tous, mais à tous les membres d’une catégorie sociale choisie qui lui convient indubitablement, telle que, par exemple, l’âge, le sexe, la profession, etc.)
Mais, en même temps, il peut fort bien percevoir, d’ordinaire à juste titre, que, quoi qu’ils professent, les autres ne l’ acceptent » pas vraiment, ne sont pas disposés à prendre contact avec lui sur un pied d’égalité plus, les critères que la société lui a fait intérioriser sont autant d’instruments qui le rendent intimement sensible à ce que les autres voient comme sa déficience, et qui, inévitablement, l’amènent, ne serait-ce que par instants, à admettre qu’en effet il n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être. La honte surgit dès lors au centre des possibilités chez cet individu qui perçoit l’un de ses propres attributs comme une chose avilissante à posséder, une chose qu’il se verrait bien ne pas posséder.
La présence alentour de normaux ne peut en général que renforcer cette cassure entre soi et ce qu’on exige de soi, mais, en fait, la haine et le mépris de soi-même peuvent aussi bien se manifester lorsque seuls l’individu et son miroir sont en jeu.

Erving Goffman, Stigmate – les usages sociaux des handicaps (1963), Trad. Alain Kihm, Les éditions de minuit, 1975, Paris, p. 17-18

L.

Lady Persecution by St. Francis of Assisi

But the accomplishment of all virtues, namely Lady Persecution, to whom, as to me, God has given the Kingdom of Heaven, was with me, proving in all circumstances a faithful helper, a valiant auxiliary and a wise counsellor. Whenever she saw that some were lagging in charity, or forgetting a little about heavenly realities in order to set their hearts on earthly realities, she immediately thundered, immediately set the army (of persecutors) in motion, and immediately covered the faces of my sons with dishonour, so that they might seek the name of the Lord.

Mais l’accomplissement de toutes les vertus, à savoir dame Persécution, à laquelle, comme à moi, Dieu a donné le Royaume des cieux, était avec moi, s’avérant en toutes circonstances une aide fidèle, une auxiliaire vaillante et une sage conseillère. Chaque fois qu’elle voyait certains tiédir en charité, ou oublier quelque peu les réalités célestes pour mettre en quelque manière leur cœur dans les réalités terrestres, aussitôt elle tonnait, aussitôt elle mettait en branle l’armée (des persécuteurs) et aussitôt elle couvrait de déshonneur le visage de mes fils, pour qu’ils cherchent le nom du Seigneur.

François d’Assise, Commerce sacré de saint François avec Dame Pauvreté, chapitre XIII, «Persécution, sœur de Pauvreté », 36, Édition du VIIIe centenaire, p. 885-886

In Michel ZinkL’Humiliation, le Moyen Âge et nous, Albin Michel, Paris, 2017

W.

Why are you persecuting me? by Alain Didier Weill

One day, Paul has the foundational subjective experience of an event by which it is not by the putting into act of the law that it is possible to be torn from the persecution of original sin, but by an interior psychic act which consists to self identify to the one who said to him, “Why are you persecuting me? “
In this flashing conversion Paul’s values ​​are reversed: from persecutor he becomes persecuted, and henceforth will have an extraordinary life as a man exposed to the trials of persecution like Christ.
Colossains 1:24
Now I rejoice in what I am suffering for you, and I fill up in my flesh what is still lacking in regard to Christ’s afflictions, for the sake of his body, which is the church.

2 Corinthians 4
9
persecuted, but not abandoned; struck down, but not destroyed.
10 We always carry around in our body the death of Jesus, so that the life of Jesus may also be revealed in our body.

Galatians 2:20
I have been crucified with Christ and I no longer live, but Christ lives in me.


I arrived to the supposition threw this flashing identification to the Risen, Paul experienced the flashing disappearance of inner persecution. One fundamental point: there is a connection between the disappearance of internal persecution and the appearance of a persecution in reality coming from outside, whether from the side of the pagans or the Jews. This is what he later theorized as original sin.


Paul fait un jour l’expérience subjective fondatrice d’un événement par lequel ce n’est pas par la mise en acte de la loi qu’il est possible d’être arraché à la persécution du péché originel mais par un acte psychique intérieur consistant à s’identifier à celui qui lui a dit : « Pourquoi me persécutes-tu ? »
Dans cette conversion foudroyante les valeurs de Paul s’inversent : de persécuteur il devient persécuté, celui qui va dorénavant avoir une vie extraordinaire d’homme exposé aux épreuves de la persécution comme le Christ.
Colossiens 1, 24 : « Je me réjouis dans les souffrances, à cause de vous et je complète ce qui manque aux épreuves du Christ, dans ma chair »
2 Corinthiens 4 : « Persécuté mais non abandonné, abattu mais non anéanti, toujours nous portons la mort de Jésus dans notre corps afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps ».
Galates 2, 20 : « J’ai été co-crucifié avec le Christ, ce n’est plus moi qui vis c’est le Christ qui vit en moi… »

Je suis arrivé à supposer que dans cette identification foudroyante au ressuscité Paul fit l’expérience d’une foudroyante disparition de la persécution intérieure. Point fondamental : il y a rapport entre la disparition de la persécution intérieure et l’apparition d’une persécution réelle qui vient du dehors que ce soit du côté des païens ou des juifs. C’est ce qu’il théorisa, ultérieurement, comme péché originel.

Alain Didier-Weill, « Pourquoi me persécutes-tu ? », Pardès, 2002/1 (N° 32-33), p. 299-305
DOI : 10.3917/parde.032.0299
URL : https://www.cairn-int.info/revue-pardes-2002-1-page-299.htm