S.

Stigma : an attribute that is deeply discrediting by Erving Goffman

The term stigma, then, will be used to refer to an attribute that is deeply discrediting, but it should be seen that a language of relationships, not attributes, is really needed. An attribute that stigmatizes one type of possessor can confirm the usualness of another, and therefore is neither creditable nor discreditable as a thing in itself.

Le mot de stigmate servira donc à désigner un attribut qui jette un discrédit profond, mais il faut bien voir qu’en réalité c’est en termes de relations et non d’attributs qu’il convient de parler. L’attribut qui stigmatise tel possesseur peut confirmer la banalité de tel autre et, par conséquent, ne porte par lui-même ni crédit ni dis crédit.

Erving GoffmanStigmate – les usages sociaux des handicaps (1963), Trad. Alain Kihm, Les éditions de minuit, 1975, Paris, p. 13

T.

Three grossly different types of stigma by Erving Goffman

Three grossly different types of stigma may be mentioned. First there are abominations of the body – the various physical deformities. Next there are blemishes of individual character perceived as weak will, domineering or unnatural passions, treacherous and rigid beliefs, and dishonesty, these being inferred from a known record of, for example, mental disorder, imprisonment, addiction, alcoholism, homosexuality, unemployment, suicidal attempts, and radical political behaviour. Finally there are the tribal stigma of race, nation, and religion, these being stigma that can be transmitted through lineages and equally contaminate all members of a family.

En gros, on peut distinguer trois types de stigmates. En premier lieu, il y a les monstruosités du corps les diverses difformités. Ensuite, on trouve les tares du caractère qui, aux yeux d’autrui, prennent l’aspect d’un manque de volonté, de passions irrépressibles ou antinaturelles, de croyances égarées et rigides, de malhonnêteté, et dont on infère l’existence chez un individu parce que l’on sait qu’il est ou a été, par exemple, mentalement dérangé, emprisonné, drogué, alcoolique, homosexuel, chômeur, suicidaire ou d’extrême-gauche. Enfin, il y a ces stigmates tribaux que sont la race, la nationalité et la religion, qui peuvent se transmettre de génération en génération et contaminer également tous les membres d’une famille.

Erving GoffmanStigmate – les usages sociaux des handicaps (1963), Trad. Alain Kihm, Les éditions de minuit, 1975, Paris, p. 14

S.

Stigma and its synonyms conceal a double perspective by Erving Goffman

The term stigma and its synonyms conceal a double perspective : does the stigmatized individual assume his differentness is known about already or is evident on the spot, or does he assume it is neither known about by those present nor immediately perceivable by them? In the first case one deals with the plight of the discredited, in the second with that of the discreditable. This is an important difference, even though a particular stigmatized individual is likely to have experience with both situations.

Le terme de stigmate ainsi que ses synonymes dissimulent deux points de vue : l’individu stigmatisé suppose t-il que sa différence est déjà connue ou visible sur place, ou bien pense-t-il qu’elle n’est ni connue ni immédiate ment perceptible par les personnes présentes? Dans le premier cas, on considère le sort de l’individu discrédité, dans le second, celui de l’individu discréditable. Il s’agit là d’une distinction importante, même s’il est vrai que toute personne affligée d’un stigmate risque fort de vivre les deux situations.

Erving GoffmanStigmate – les usages sociaux des handicaps (1963), Trad. Alain Kihm, Les éditions de minuit, 1975, Paris, p. 14

S.

Stigma to designate body marks by Erving Goffman

The Greeks, apparently interested in visual aids, coined the term stigma to designate body marks intended to expose the unusual and detestable moral status of the person so marked. These marks were engraved on the body with a knife or a red-hot iron, and proclaimed that the wearer was a slave, a criminal or a traitor, in short, a person stricken with infamy, ritually impure, and to be avoided, especially in public places. Later, in Christian times, two layers of metaphor were added to the term: the first referred to the marks left on the body by divine grace, which took the form of eruptive sores budding on the skin; the second, a medical allusion to the religious allusion, referred to the bodily signs of a physical disorder. Nowadays, the term is used a lot in a sense close to the original literal meaning, but applies more to the disgrace itself than to its bodily manifestation. In addition, there have been changes in the types of disgrace that attract attention.

Les Grecs, apparemment portés sur les auxiliaires visuels, inventèrent le terme de stigmate pour désigner des marques corporelles destinées à exposer ce qu’avait d’inhabituel et de détestable le statut moral de la per sonne ainsi signalée. Ces marques étaient gravées sur le corps au couteau ou au fer rouge, et proclamaient que celui qui les portait était un esclave, un criminel ou un traitre, bref, un individu frappé d’infamie, rituellement impur, et qu’il fallait éviter, surtout dans les lieux publics. Plus tard, au temps du christianisme, deux épaisseurs de métaphore s’ajoutèrent au terme : la première se rapportait aux marques laissées sur le corps par la grâce divine, qui prenaient la forme de plaies éruptives bourgeonnant sur la peau; la seconde, allusion médicale à l’allusion religieuse, se rapportait aux signes corporels d’un désordre physique. De nos jours, le terme s’emploie beaucoup en un sens assez proche du sens littéral originel, mais s’appli que plus à la disgrâce elle-même qu’à sa manifestation corporelle. De plus, il s’est produit des changements quant aux types de disgrâces qui éveillent l’attention.

Erving Goffman, Stigmate – les usages sociaux des handicaps (1963), Trad. Alain Kihm, Les éditions de minuit, 1975, Paris, p. 11

T.

They do not really “accept” him by Erving Goffman

The stigmatized individual tends to hold the same beliefs about identity that we do; this is a pivotal fact. His deepest feelings about what he is may be his sense of being a normal person, a human being like anyone else, a person, therefore, who deserves a fair chance and a fair break. (Actually, however phrased, he bases his claims not on what he thinks is due everyone, but only everyone of a selected social category into which he unquestionably fits, for example, anyone of his age, sex, profession, and so forth.)
Yet he may perceive, usually quite correctly, that whatever others profess, they do not really “accept” him and are not ready to make contact with him on equal grounds. Further, the standards he has incorporated from the wider society equip him to be intimately alive to what others see as his failing, inevitably causing him, if only for moments, to agree that he does indeed fall short of whit he really ought to be. Shame becomes a central possibility, arising from the individual’s perception of one of his own attributes as being a defiling thing to possess, and one he can readily see himself as not possessing. The immediate presence of normals is likely to reinforce this split between self-demands and self, but in fact self-hate and self-derogation can also occur when only he and a mirror are about.

L’individu stigmatisé tend à avoir les mêmes idées que nous sur l’identité. C’est là un fait capital. Certes, ce qu’il éprouve au plus profond de lui-même, ce peut être le sentiment d’être une personne normale », un homme semblable à tous les autres, une personne, donc, qui mérite sa chance et un peu de répit. (En fait, de quelque façon qu’il exprime sa revendication, il la fonde sur ce qu’il estime du, non à tous, mais à tous les membres d’une catégorie sociale choisie qui lui convient indubitablement, telle que, par exemple, l’âge, le sexe, la profession, etc.)
Mais, en même temps, il peut fort bien percevoir, d’ordinaire à juste titre, que, quoi qu’ils professent, les autres ne l’ acceptent » pas vraiment, ne sont pas disposés à prendre contact avec lui sur un pied d’égalité plus, les critères que la société lui a fait intérioriser sont autant d’instruments qui le rendent intimement sensible à ce que les autres voient comme sa déficience, et qui, inévitablement, l’amènent, ne serait-ce que par instants, à admettre qu’en effet il n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être. La honte surgit dès lors au centre des possibilités chez cet individu qui perçoit l’un de ses propres attributs comme une chose avilissante à posséder, une chose qu’il se verrait bien ne pas posséder.
La présence alentour de normaux ne peut en général que renforcer cette cassure entre soi et ce qu’on exige de soi, mais, en fait, la haine et le mépris de soi-même peuvent aussi bien se manifester lorsque seuls l’individu et son miroir sont en jeu.

Erving Goffman, Stigmate – les usages sociaux des handicaps (1963), Trad. Alain Kihm, Les éditions de minuit, 1975, Paris, p. 17-18