C.

Che vuoi? by M.-C. Laznik

It’s from Cazotte‘s novel The Devil In Love that Lacan borrows this question, which for him forms the basis of the question of the superego in articulation with jouissance, che vuoi? This “What do you want?” which so easily turns into “What does the Other want from me?”, and which clinically often takes the form of “What does she want from me?” This devil in love enables him to imaginaryize the structure of the superego; we find the same order of: jouis! (enjoy!/come!) An imperative to which Lacan points out that man can only respond with a j’ouis! (i hear) because his jouissance is forbidden to him, as we’ve seen, for structural reasons. This double figure of the superego – an idea Lacan holds dear – of being the one who forbids and punishes, while also being the one who orders jouissance, seems consistent with his conception of jouissance as directly articulated to the forbidden.

Marie-Christine Laznik-Penot, “La mise en place du concept de Jouissance chez Lacan” in Revue Française de Psychanalyse – Plaisir et Jouissance – t. 54, PUF, 1990, p. 70

C’est au roman de Cazotte, Le diable amoureux, que Lacan emprunte cette interrogation, qui fonde pour lui la question du surmoi en articulation avec la jouissance, che vuoi? Ce : « que veux-tu? » qui se retourne si facilement dans un : « Que me veut-il, l’Autre, là? »; et qui cliniquement prend souvent la forme d’un : « Que me veut-Elle? » Ce Diable amoureux, lui permet d’imaginariser la structure du surmoi; nous retrouvons le même ordre du : jouis! Impératif auquel Lacan fait remarquer que l’homme ne peut répondre que par un j’ouis! car sa jouissance lui est interdite, comme nous l’avons vu, pour des raisons de structure. Cette double figure du surmoi — idée à laquelle Lacan tient beaucoup — d’être celui qui interdit et punit, tout en étant aussi celui qui ordonne la jouissance, semble consistante avec sa conception de la jouissance comme directement articulée à l’interdit.

Marie-Christine Laznik-Penot, “La mise en place du concept de Jouissance chez Lacan” in Revue Française de Psychanalyse – Plaisir et Jouissance – t. 54, PUF, 1990, p. 70

Marie-Christine Laznik-Penot, “La mise en place du concept de Jouissance chez Lacan” in Revue Française de Psychanalyse – Plaisir et Jouissance – t. 54, PUF, 1990, p. 70

S.

Subject switches to the active register by Benjamin Lévy and Alain Vanier

The Other of the “interpretingsubject is supposed to resent him, just as he resents the obsessional. This position is the cause of an anguish of retaliation; the stake is, according to Karl Abraham*, the anal Object. If this Object falls into the hands of the Other, the subject switches to the active register. Wishing to reappropriate it, he is likely, on the psychotic side, to become a “claimant“; or, in the neurosis, to hysterize himself.

L’Autre du sujet « interprétateur » est supposé lui en vouloir, tout comme il en veut à l’obsessionnel. Cette position est cause d’une angoisse de rétorsion ; l’enjeu en est, selon Karl Abraham*, l’Objet anal. Si cet Objet tombe entre les mains de l’Autre, le sujet bascule dans le registre actif . Souhaitant se le réapproprier, il est susceptible, sur le versant psychotique, de devenir « revendicateur » ; ou, dans la névrose, de s’hystériser.

Benjamin LévyAlain Vanier, « Pour introduire une clinique de la revendication », Cliniques méditerranéennes, 2016/1 (n° 93), p. 161-174.
DOI : 10.3917/cm.093.0161.
URL : https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2016-1-page-161.htm

* Karl Abraham, 1924, « Esquisse d’une histoire du développement de la libido fondée sur la psychanalyse des troubles mentaux », dans Œuvres complètes, t. II, 1915-1929, Paris, Payot, 1989, 170-226.

O.

One rises only through abasement by Michel Zink

Faith in a humiliated God who lifts up the humble may well have been proclaimed by a Church that only imperfectly, sporadically or not at all drew the all consequences. It nevertheless marked a society of honor, strongly hierarchical and based on the power manifested by pomp. It marked it to the point of inculcating in it the painful conviction, from which we have never been able to completely rid ourselves, that one rises only through abasement and that who pushes sacrifice to the point of accepting the absolute evil that is humiliation wins a victory over evil.

La foi en un Dieu humilié qui relève les humbles pouvait bien être proclamée par une Église qui n’en tirait qu’imparfaitement, sporadiquement ou pas du tout les conséquences. Elle n’en a pas moins marqué une société de l’honneur, forte ment hiérarchisée et fondée sur la puissance manifestée par le faste. Elle l’a marquée au point de lui inculquer la douloureuse conviction, dont nous n’avons jamais pu totalement nous débarrasser, qu’on ne s’élève que par l’abaissement et que celui qui pousse le sacrifice jusqu’à accepter le mal absolu qu’est l’humiliation remporte une victoire sur le mal.

Michel ZinkL’Humiliation, le Moyen Âge et nous, Albin Michel, Paris, 2017, p. 211

T.

This gaze transforms humility into humiliation by Michel Zink

It is this gaze that transforms humility into humiliation. Where can we find the trace of a gaze? In a treatise, in a philosophical, theological or moral statement? No, but in another gaze capable of capturing this gaze and making it visible: in literature. The story says about humiliation what no other discourse can say about it. Like humiliation, it creates a reality made of signs. Like humiliation, it presupposes an external gaze, that of its reader. It takes place under this gaze, and everything in humiliation is a matter of gaze, whereas, conversely, one of the paradoxes of humility is that it exists only in hiding, that it cannot assert itself. The reader’s gaze is not only external to the humiliated, but also external to the humiliator. It keeps both at a distance. The story of humiliation draws attention to the will to humiliate and to the pleasure taken in humiliating – the vertigo of existing, the enjoyment of being above, sharpened by the terror of being below. Better than any analysis, a narrative can bring out these stages, these reversals, these fears, this seesaw of humiliation and cruelty.

C’est ce regard qui transforme l’humilité en humiliation. Où trouver la trace d’un regard ? Dans un traité, dans un exposé philosophique, théologique ou moral ? Non, mais dans un autre regard capable de saisir ce regard et de le donner à voir : dans la littérature. Le récit dit de l’humiliation ce qu’aucun autre discours ne peut en dire. Comme l’humiliation, il crée une réalité faite de signes. Comme l’humiliation, il suppose un regard extérieur, celui de son lecteur. Il se déroule sous ce regard, et tout dans l’humiliation est affaire de regard, tandis qu’à l’inverse un des paradoxes de l’humilité est de n’exister que dissimulée, de ne pouvoir s’affirmer. Le regard du lecteur n’est pas seulement extérieur à l’humilié, mais aussi extérieur à celui qui humilie. Il tient à distance l’un et l’autre. Le récit de l’humiliation attire l’attention sur la volonté d’humilier et sur le plaisir pris à humilier – vertige d’exister, jouissance d’être au-dessus, aiguisée par la terreur d’être au-dessous. Mieux que toute analyse, un récit peut faire ressortir ces étapes, ces retournements, ces craintes, ce jeu de bascule de l’humiliation et de la cruauté.

Michel ZinkL’Humiliation, le Moyen Âge et nous, Albin Michel, Paris, 2017, p. 84

L.

Lady Persecution by St. Francis of Assisi

But the accomplishment of all virtues, namely Lady Persecution, to whom, as to me, God has given the Kingdom of Heaven, was with me, proving in all circumstances a faithful helper, a valiant auxiliary and a wise counsellor. Whenever she saw that some were lagging in charity, or forgetting a little about heavenly realities in order to set their hearts on earthly realities, she immediately thundered, immediately set the army (of persecutors) in motion, and immediately covered the faces of my sons with dishonour, so that they might seek the name of the Lord.

Mais l’accomplissement de toutes les vertus, à savoir dame Persécution, à laquelle, comme à moi, Dieu a donné le Royaume des cieux, était avec moi, s’avérant en toutes circonstances une aide fidèle, une auxiliaire vaillante et une sage conseillère. Chaque fois qu’elle voyait certains tiédir en charité, ou oublier quelque peu les réalités célestes pour mettre en quelque manière leur cœur dans les réalités terrestres, aussitôt elle tonnait, aussitôt elle mettait en branle l’armée (des persécuteurs) et aussitôt elle couvrait de déshonneur le visage de mes fils, pour qu’ils cherchent le nom du Seigneur.

François d’Assise, Commerce sacré de saint François avec Dame Pauvreté, chapitre XIII, «Persécution, sœur de Pauvreté », 36, Édition du VIIIe centenaire, p. 885-886

In Michel ZinkL’Humiliation, le Moyen Âge et nous, Albin Michel, Paris, 2017

K.

Kind of transfiguration of humiliation by Michel Zink

This values’ inversion, physically represented by the juggler walking on his hands, has a kind of transfiguration of humiliation effect. God’s wisdom is folly in the eyes of the world and the world’s wisdom folly in the eyes of God? The man of God will therefore be misunderstood, despised, outraged, mocked by the world. The world will judge him as crazy and will inflict on him the mockery and humiliation that it reserves for the crazy. Conversely, it is dangerous and disturbing to be honored by the world: it is an indication that one is the opposite of the wisdom of God.

Cette inversion des valeurs, physiquement représentée par le jongleur qui marche sur les mains, a pour effet une sorte de transfiguration de l’humiliation. La sagesse de Dieu est folie aux yeux du monde et la sagesse du monde folie aux yeux de Dieu ? L’homme de Dieu sera donc incompris, méprisé, outragé, raillé par le monde. Le monde le jugera fou et lui infligera les moqueries et les humiliations qu’il réserve aux fous. Inversement, il est dangereux et inquiétant d’être honoré par le monde: c’est l’indice qu’on est à l’opposé de la sagesse de Dieu.

Michel ZinkL’Humiliation, le Moyen Âge et nous, Albin Michel, Paris, 2017, p. 75

R.

Reversal from humiliation to glorification by Michel Zink

This reversal from weakness to strength and from humiliation to glorification is characteristic of the Pauline dialectic. It occupies the whole of the beginning of the first epistle to the Corinthians and it recurs constantly in Paul’s epistles: “If I must boast, it is of my weaknesses that I will boast” (a); “It is when I am weak that I am strong”, “Boast in tribulation (b)”; “Boast in the cross”, “What is foolish in the world, this is what God has chosen to confound the wise ; What is weak in the world, that is what God has chosen to confound the strong; what is unborn and despised in the world, that is what God has chosen (c). It is necessary to become foolish in order to become wise, for what is foolish in the eyes of the world is wisdom in the eyes of God (d).

Ce retournement de la faiblesse à la force et de l’humiliation à la glorification est caractéristique de la dialectique paulinienne. Il occupe tout le début de la première épître aux Corinthiens et il revient constamment dans les épitres de Paul : « S’il faut se glorifier, c’est de mes faiblesses que je me glorifierai » (a); « C’est quand je suis faible que je suis fort», «Se glorifier dans les tribulations (b) » ; «Se glorifier dans la croix », « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort; ce qui dans le monde est sans naissance et que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi (c) ». Il faut se faire fou pour devenir sage, car ce qui est folie aux yeux du monde est sagesse aux yeux de Dieu (d).

(a) La description du fou pourchassé et outragé par la foule est si stable qu’on la retrouve presque identique en 1657 dans un passage du Tracas de Paris de François Colletet, que Michel Foucault avait soigneusement recopié sur une fiche conservée avec ses archives à la BnF.

(b) Amadas et Ydoine, Ed. Honoré Champion, 1926, v. 2719-2761. 39.

(c) V. 3135-3156.

(d) Gautier de Coinci, D’un escommenie, La Vie des Pères, t. 1, ed. Francis Lecoy, p. 141-174. De quodam excommunicato absoluto per quendam stultum familiarem sancte Marie (« Sur un excommunié absous par un fou familier de sainte Marie»), éd. A. Mussafia dans Über die von Gautier de Coincy benützten Quellen (Denkschriften der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien, XLIV), Vienne, 1894, p. 26-28.

Michel ZinkL’Humiliation, le Moyen Âge et nous, Albin Michel, Paris, 2017, p. 40

R.

Religion likes to reverse values of glory and shame by Michel Zink

And yet this world is shaped by a religion that preaches humility and takes as its model a figure of humiliation. A religion that likes to reverse the values of glory and shame. A religion which, in its reflection on fault, repentance and penitence, does not cease, in particular in the period which goes from the second half of the twelfth century to the first half of the thirteenth century, to go towards an internalization of these notions. A religion for which shame is a beneficial experience that allows each person to take the measure of his guilt.

Et pourtant ce monde est façonné par une religion qui prêche l’humilité et se donne pour modèle une figure de l’humiliation. Une religion qui se plaît à inverser les valeurs de la gloire et de la honte. Une religion qui, dans sa réflexion sur la faute, le repentir et la pénitence, ne cesse, en particulier dans la période qui va de la seconde moitié du XIIe siècle à la première moitié du XIIIe siècle, d’aller vers une intériorisation de ces notions. Une religion pour qui la honte est une expérience bénéfique qui permet à chacun de prendre la mesure de sa culpabilité.

Michel ZinkL’Humiliation, le Moyen Âge et nous, Albin Michel, Paris, 2017, p. 35

H.

Humiliation as a justification for group rage by Charles Strozier and Deborah Mart

The humiliation serves as a justification for group rage, violence, and righteous action.

L’humiliation sert de justification à la rage groupale, à la violence, et à l’acte réparateur.

STROZIER Charles B, MART Deborah, « The Politics of Constructed Humiliation. Psychoanalytic Perspectives on War, Terrorism and Genocide », Research in Psychoanalysis, 2017/1 (N° 23), p. 29
DOI : 10.3917/rep1.023.0027
URL : https://www.cairn.info/revue-research-in-psychoanalysis-2017-1-page-27.htm

T.

Turning defeat into a cause of celebratory violence by Charles Strozier and Deborah Mart

There are lots of postwar contexts historically that have left hundreds of thousands, even millions, dead, cities destroyed, and social life in chaos without stirring the rise of apocalyptic leaders who thrive on turning defeat into a cause of celebratory violence.

Car, historiquement, bien des contextes d’après-guerre, avec leurs millions de morts, leurs villes détruites et leur vie sociale au bord du chaos, n’ont pas conduit sur le devant de la scène des chefs apocalyptiques dont l’ascension se nourrissait d’une conversion de la défaite en mobile d’une violence commémorative.

STROZIER Charles B, MART Deborah, « The Politics of Constructed Humiliation. Psychoanalytic Perspectives on War, Terrorism and Genocide », Research in Psychoanalysis, 2017/1 (N° 23), p. 29
DOI : 10.3917/rep1.023.0027
URL : https://www.cairn.info/revue-research-in-psychoanalysis-2017-1-page-27.htm

T.

They will be ashamed, and they will love us by Albert Cohen

Who knows, I thought, maybe, what I’m storytelling to them will change the Jew-haters, tear the fangs out of their souls? Yes, if I explain them the evil they did to a little child, by them suddenly shattered with misfortune, if they read this book to the end, they will understand, I told myself, and they will be ashamed of their wickedness, and they will love us.

Qui sait, me suis-je dit, ce que je vais leur conter va peut-être changer les haïsseurs de juifs, arracher les canines de leur âme? Oui, si je leur explique le mal qu’ils ont fait à un petit enfant, par eux soudain fracassé de malheur, s’ils lisent ce livre jusqu’à la fin, ils comprendront, me suis-je dit, et ils auront honte de leur méchanceté, et ils nous aimeront.

Albert Cohen, O vous, frères humains (1972), Gallimard, Collection Folio, Paris, 1989, p. 15

P.

Pride must pass through shame by Jean Genet

May you will be troubled because it is a brief, very brief, invisible gesture (but it’s the act’s marrow) that makes the thief despicable: just the time to spy and steal. Alas, this is exactly the time needed to become a thief, but cross this shame, after having detected it, shown it, made it visible. Pride must know how to pass through shame to reach its glory.

Peut-être serez-vous gêné parce que c’est un geste bref, très bref, invisible surtout (mais il est la moelle de l’acte) qui fait le voleur méprisable : juste le temps qu’il épie et dérobe. C’est hélas exactement le temps qu’il faut pour être voleur, mais franchissez cette honte, après l’avoir décelée, montrée, rendue visible. Il faut que l’orgueil sache passer par la honte pour atteindre à sa gloire.

Jean GenetLe miracle de la rose, Gallimard, Folio, Paris, 1946, p.287

S.

Shame breeds to crime by Georges Bernanos

Ok, I understand very well the mistake of the Generals of the Great tumble! They believed France was perfectly able to do the tumble too. And, then, the degenerate France of the Armistice believed it: France spat in its hands and said: “Let’s go! Long live the Armistice! Long live Pétain!” under the two million prisoners’ gaze, more or less impatient to go and stroke “the sweety” and get back to work… What to expect ? All must be paid. It is true : crime breeds shame. But it also happens, it more often happens than we think, that shame breeds crime.

Ok je comprends très bien l’erreur des Généraux de la Grande Culbute ! Ils ont cru que la France était parfaitement capable de faire la culbute avec eux. Et la France dégénérée de l’Armistice l’a cru aussi : elle a craché dans ses mains et dit : « Allons-y ! Vive l’Armistice ! vive Pétain !» sous le regard des deux millions de prisonniers plus ou moins impatients d’aller caresser « la petite » et de reprendre leur boulot… Que voulez-vous ? Tout se paie. C’est vrai que le crime engendre la honte. Mais il arrive aussi, il arrive plus souvent qu’on croit, que la honte engendre le crime.

Georges Bernanos, Essais et écrits de combat II (1939 – 1948), Gallimard, Nrf, Paris, 1995, p. 1224

M.

My narrative drawn from my shame by Jean Genet

No surprise if the miserablest human lives is written in too beautiful words. The magnificence of my narrative naturally born (too from my modesty/decency and also my shame to have been so unhappy) from the pitiful moments of all my life… My narrative drawn from my shame exalts and dazzles me.

Il n’est pas étonnant que la plus misérable des vies humaines s’écrive avec des mots trop beaux. La magnificence de mon récit naît naturellement (par le fait de ma pudeur aussi et de ma honte d’avoir été si malheureux) des pitoyables moments de toute ma vie… Mon récit puisé dans ma honte s’exalte et m‘éblouit.

Jean Genet, Le miracle de la rose, Gallimard, Folio, Paris, 1946, p.256

R.

Rousseau’s proud shame by André Malraux

Rousseau‘s proud shame does not destroy Jean-Jacques’ pitiful shame, but brings him an immortality’s promise. This metamorphosis, one of the most profound that may a man create, is from a suffered destiny to a dominated one.

L’orgueilleuse honte de Rousseau ne détruit pas la pitoyable honte de Jean-Jacques, mais elle lui apporte une promesse d’immortalité. Cette métamorphose, l’une des plus profondes que puisse créer l’homme, c’est celle d’un destin subi en destin dominé.

André Malraux, Antimémoires (1972), Gallimard, Folio, p. 13
refers to Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions (1782). (online eng Confessions )

C.

Conversion of shame into literature by Jean-Pierre Martin

A flood of words gushes out of his veulery, his “ineptitude”, his repressed pride. A revolutionary event, which strikes the students with astonishment. After his speech, initially followed by a deathly silence, he is acclaimed by a brouhaha of approvals. The subjugated audience must have recognized themselves in him. This, he claims, is how he became a poet, “between the stars and the urinal”. Let’s take his word for it, or rather his writing. Powys’ story is a beautiful parable about the conversion of shame into literature. The humiliating experience dies in the poem, which becomes (as for Kundera’s Jaromil, in Life is Elsewhere) the “dreamed possibility of a second life”.

Un flot de paroles jaillit de sa veulerie, de son « ineptie », de son orgueil refoulé. Événement révolutionnaire, qui frappe les élèves de stupeur. Après son dis cours, d’abord suivi d’un silence de mort, il est acclamé par un brouhaha d’approbations. L’auditoire subjugué a dû se reconnaître à travers lui. C’est même ainsi, prétend-il, qu’il est devenu poète, «entre les étoiles et l’urinoir ». Croyons-le sur parole, ou plutôt sur écrit. Le récit de Powys est une belle parabole sur la conversion de la honte en littérature. L’expérience humiliante meurt dans le poème, qui devient (comme pour le Jaromil de Kundera, dans La Vie est ailleurs) la «possibilité révée d’une deuxième vie ».

Jean-Pierre MartinLa Honte – Réflexion sur la littérature, Le Seuil, Paris, 2016, p. 147
who quotes John Cowper Powys, Autobiographie (1934-1965), trad. Marie Canavaggia, Gallimard, 1965, p. 142 – 143

P.

Pierre Seel got out of the shame by Jean-Pierre Martin

For years, Pierre Seel, like many others, remained silent. It was not until the abolition of the Petainist law on the repression of homosexuality, forty years later, on August 4, 1982, under the impetus of Robert Badinter, that Pierre Seel decided to get out of the shadows. The title of his book clearly marks, by the way he affirms his name and publishes it – Moi, Pierre Seel (mimicking the Moi, Pierre Rivière of Foucault‘s book) -, this will to take public opinion as witness, like a shameless criminal. The long-shamed victim has finally lifted the secret.

Pendant des années, Pierre Seel, comme bien d’autres, s’est tu. Il faudra attendre l’abolition de la loi pétainiste sur la répression de l’homosexualité, quarante ans après, le 4 août 1982, sous l’impulsion de Robert Badinter : cette année-là précisé ment, Pierre Seel décide de sortir de l’ombre. Le titre de son livre marque bien, par la façon d’affirmer le nom et de le publier – Moi, Pierre Seel (mimant le Moi, Pierre Rivière du texte présenté par Foucault) -, cette volonté de prendre à témoin, tel un criminel éhonté, l’opinion publique. La victime longtemps honteuse a enfin levé le secret.

Jean-Pierre MartinLa Honte – Réflexion sur la littérature, Le Seuil, Paris, 2016, p. 229

W.

Why are you persecuting me? by Alain Didier Weill

One day, Paul has the foundational subjective experience of an event by which it is not by the putting into act of the law that it is possible to be torn from the persecution of original sin, but by an interior psychic act which consists to self identify to the one who said to him, “Why are you persecuting me? “
In this flashing conversion Paul’s values ​​are reversed: from persecutor he becomes persecuted, and henceforth will have an extraordinary life as a man exposed to the trials of persecution like Christ.
Colossains 1:24
Now I rejoice in what I am suffering for you, and I fill up in my flesh what is still lacking in regard to Christ’s afflictions, for the sake of his body, which is the church.

2 Corinthians 4
9
persecuted, but not abandoned; struck down, but not destroyed.
10 We always carry around in our body the death of Jesus, so that the life of Jesus may also be revealed in our body.

Galatians 2:20
I have been crucified with Christ and I no longer live, but Christ lives in me.


I arrived to the supposition threw this flashing identification to the Risen, Paul experienced the flashing disappearance of inner persecution. One fundamental point: there is a connection between the disappearance of internal persecution and the appearance of a persecution in reality coming from outside, whether from the side of the pagans or the Jews. This is what he later theorized as original sin.


Paul fait un jour l’expérience subjective fondatrice d’un événement par lequel ce n’est pas par la mise en acte de la loi qu’il est possible d’être arraché à la persécution du péché originel mais par un acte psychique intérieur consistant à s’identifier à celui qui lui a dit : « Pourquoi me persécutes-tu ? »
Dans cette conversion foudroyante les valeurs de Paul s’inversent : de persécuteur il devient persécuté, celui qui va dorénavant avoir une vie extraordinaire d’homme exposé aux épreuves de la persécution comme le Christ.
Colossiens 1, 24 : « Je me réjouis dans les souffrances, à cause de vous et je complète ce qui manque aux épreuves du Christ, dans ma chair »
2 Corinthiens 4 : « Persécuté mais non abandonné, abattu mais non anéanti, toujours nous portons la mort de Jésus dans notre corps afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps ».
Galates 2, 20 : « J’ai été co-crucifié avec le Christ, ce n’est plus moi qui vis c’est le Christ qui vit en moi… »

Je suis arrivé à supposer que dans cette identification foudroyante au ressuscité Paul fit l’expérience d’une foudroyante disparition de la persécution intérieure. Point fondamental : il y a rapport entre la disparition de la persécution intérieure et l’apparition d’une persécution réelle qui vient du dehors que ce soit du côté des païens ou des juifs. C’est ce qu’il théorisa, ultérieurement, comme péché originel.

Alain Didier-Weill, « Pourquoi me persécutes-tu ? », Pardès, 2002/1 (N° 32-33), p. 299-305
DOI : 10.3917/parde.032.0299
URL : https://www.cairn-int.info/revue-pardes-2002-1-page-299.htm