C.

Criminal tendencies are at work in all children by Melanie Klein

Psychoanalysis has shown that the Oedipus complex plays the most decisive role in the general development of the personality, both in people who later become normal and in those affected by neurosis. Psychoanalytic research has consistently shown that the entire formation of character is also linked to Oedipal development, and that all the nuances of character problems, from the slightly neurotic to the criminal, depend on it. The study of criminality is still in its infancy, but the developments it offers are full of promise. The purpose of this article is to show that criminal tendencies are at work in all children and to put forward some hypotheses on the following problem: what are the factors by virtue of which these tendencies do or do not impose themselves on the personality?

I must now return to the point from which I started. When the Oedipus complex makes its appearance, which, according to the results of my analyses, occurs at the end of the first or beginning of the second year, the primitive stages I spoke of – the sadistic-oral stage and the sadistic-anal stage – are fully at work. They are intertwined with the Oedipal tendencies and therefore target the objects around which the Oedipus complex develops, i.e. the parents. The little boy, who hates his father with whom he competes for his mother‘s love, devotes his hatred, aggression and fantasies born of sadistic-oral and sadistic-anal fixations to him. Fantasies in which the child breaks into the bedroom and kills the father are not lacking in any analysis of a little boy, even a normal one.

Melanie Klein, “Criminal tendancies in normal children” in Love, Guilt and Reparation and Other Works 1921-1945, Hogarth Press, London, 1975

La psychanalyse a montré que le complexe d’Œdipe joue le plus décisif des rôles dans le développement général de la personnalité, chez les gens qui plus tard seront normaux comme chez ceux qu’atteindra la névrose. Les recherches psychanalytiques n’ont cessé de démontrer que la formation tout entière du caractère relève elle aussi du développement œdipien, que toutes les nuances des problèmes caractériels, depuis la déformation légèrement névrotique jusqu’à la déformation criminelle, en dépendent. L’étude de la criminalité en est encore à ses premiers pas, mais les développements qu’elle nous laisse espérer sont pleins de promesses. Le propos de cet article est de montrer que des tendances criminelles sont à l’œuvre chez tous les enfants et d’énoncer quelques hypothèses sur le problème suivant : quels sont les facteurs en vertu desquels ces tendances s’imposent ou ne s’imposent pas dans la personnalité.
Il me faut retourner maintenant au point d’où je suis partie. Lorsque le complexe d’Œdipe fait son apparition, ce qui, selon les résultats de mes analyses, survient à la fin de la première ou au début de la seconde année, les stades primitifs dont j’ai parlé – le stade sadique-oral et le stade sadique-anal sont pleinement à l’œuvre. Ils s’intriquent aux tendances oedipiennes et visent donc les objets autour desquels le complexe d’Oedipe se développe, c’est-à-dire les parents. Le petit garçon, qui déteste son père avec lequel il rivalise pour l’amour de sa mère, lui voue la haine, l’agressivité et les fantasmes nés des fixations sadique-orales et sadique- anales. Les fantasmes où l’enfant s’introduit dans la chambre à coucher et tue le père ne font défaut dans aucune analyse de petit garçon, même si celui-ci est normal.

Melanie Klein, “Les tendances criminelles chez les enfants normaux” in Essais de psychanalyse (1921-1945), Trad. Margueritte Derrida, Editions Payot, Paris, 1968 , p. 212

Melanie Klein, Essais de psychanalyse (1921-1945), Trad. Margueritte Derrida, Editions Payot, 1968, Paris, p. 212

T.

The sin of being born by Albert Cohen

Of course, antisemites, tender souls, of course, it is not a story of concentration camp that I told, and I did not suffer in my body on this tenth anniversary, on my tenth birthday. Of course, we have done better since then. Of course, camelot only gave shame to a little child, he only informed him about his infamous quality. Of course, he only convinced him of the sin of being born, a sin that deserves suspicion and hatred. But it’s still not bad to teach a sweet little child that he is an accursed person and to twist his soul forever.

Bien sûr, antisémites, âmes tendres, bien sûr, ce n’est pas une histoire de camp de concentration que j’ai contée, et je n’ai pas souffert dans mon corps en ce dixième anniversaire, en ce jour de mes dix ans. Bien sûr, on a fait mieux depuis. Bien sûr, le camelot n’a fait que donner de la honte à un petit enfant, il l’a seule ment renseigné sur sa qualité d’infâme. Bien sûr, il l’a seulement convaincu du péché d’être né, péché qui mérite le soupçon et la haine. Mais ce n’est tout de même pas mal d’apprendre à un doux petit enfant qu’il est un maudit et de tordre à jamais son âme.

Albert CohenO vous, frères humains (1972), Gallimard, Collection Folio, Paris, 1989, p. 201

R.

Radicalism means “no” to the language by Hélène L’Heuillet

It has always been said, since Plato, that violence arises in the language’s refusal, but violence works also against language. Violence is a power which reduces the language to impotence. How is it possible on the part of speaking beings, “parlêtre”? It means these speaking beings testify of their hatred of language, their refusal to pay their debt to the language that makes them be, and this to death, their own or collective. There is a “no” in this radicalism, but a “no” to the language. This relation to language can be called nihilist insofar as it is, in the strict sense, a disavowal of language. And therein lies, so to speak, the root of radicalism.

On dit toujours, depuis Platon, que la violence surgit dans le refus du langage, mais la violence est aussi active contre le langage. Elle est une puissance de réduction du langage à l’impuissance. Comment cela est-il possible de la part d’êtres parlants, de « parlêtres » ? C’est qu’il s’agit de parlêtres qui témoignent de leur haine du langage, de leur refus de payer leur dette au langage qui les fait être, et ce jusqu’à la mort, personnelle et collective. Il y a un « non » dans cette radicalité, mais un « non » au langage. On peut appeler nihiliste ce rapport au langage dans la mesure où il est, au sens strict, un désaveu du langage. Et c’est là que réside, si l’on peut dire, la racine de la radicalité.

Hélène L’HEUILLET, Tu haïras ton prochain comme toi même, Albin Michel, Paris, 2017, p. 99

T.

Trends of sadism and hate in melancholia by Sigmund Freud

The self-tormenting in melancholia, which is without doubt enjoyable, signifies, just like the corresponding phenomenon in obsessional neurosis, a satisfaction of trends of sadism and hate which relate to an object, and which have been turned round upon the subject‘s own self in the ways we have been discussing

L’auto-martyrisation, sans aucun doute exquise, de la mélancolie exprime, tout comme le phénomène correspondant dans la névrose obsessionnelle, la satisfaction de tendances haineuses et sadiques vouées à un objet, qui se sont retournées ainsi contre le sujet lui-même.

Sigmund Freud, Deuil et mélancolie (1917), PBP, Paris, 2011, p. 61