E.

Empiricism lurks a metaphor by Paul Veyne

Nothing is simpler or more empirical in appearance than causality. Fire makes water boil; the rise of a new class brings about a new ideology. This apparent simplicity camouflages a complexity we are unaware of, a polarity between action and passivity. Fire is an agent that makes itself be obeyed; water is passive and does what the fire makes it do. In order to know what will happen, it is necessary to see in what direction the cause moves the effect; for the effect can no more innovate than a billiard ball can when it is struck and propelled by another. Same cause, same effect; causality will mean regular succession. The empirical interpretation of causality is no different. It abandons the anthropomorphism of a slave-like effect, regularly obeying the order of its cause, but it retains the essential part of the argument, the idea of regularity. Under the false sobriety of empiricism lurks a metaphor.
Now, since one metaphor is as good as another, one could as easily speak of fire and boiling or a rising class and its revolution in different terms, in which only active subjects operated. Then one would say that when an apparatus is assembled, comprising fire, a pot, water, and an infinity of other details, water “invents” boiling and will reinvent it each time it is put on the fire. As an agent, it responds to a situation; it actualizes a polygon of possibilities and deploys an activity that channels a polygon of tiny causes, which are obstacles limiting this energy more than they are motors. The metaphor is no longer that of a ball thrown in a specific direction but that of an elastic gas occupying the space left to it. It is no longer by considering “the” cause that we know what the gas will do; or rather, there is no longer any cause. The polygon does not permit the prediction of the future configuration of this expansion of energy; rather, it is the expansion of energy that reveals the polygon. This natural resiliency is also called the will to power.
If we lived in a society in which this metaphorical scheme operated. we would have no trouble admitting that a revolution, an intellectual fashion, a thrust of imperialism, or the success of a political system responds not to human nature, the needs of society, or the logic of things, but that this is a fashion, a project that we get stirred up about.

Paul Veyne, Did the Greeks Believe in Their Myths?: An Essay on the Constitutive Imagination, Chicago, University of Chicago Press, 1988, pp. 34-35

Rien de plus empirique et de plus simple, en apparence, que la causalité; le feu fait bouillir l’eau, la montée d’une classe nouvelle amène une nouvelle idéologie. Cette apparente simplicité camoufle une complexité qui s’ignore: une polarité entre l’action et la passivité; le feu est un agent qui se fait obéir, l’eau est passive et elle fait ce que le feu lui fait faire. Pour savoir ce qui se passera, il suffit donc de voir quelle direction la cause fait prendre à l’effet, qui ne peut pas plus innover qu’une boule de billard poussée par une autre dans une direction déterminée. Même cause, même effet: causalité signifiera succession régulière. L’interprétation empiriste de la causalité n’est pas différente; elle renonce à l’anthropomorphisme d’un effet esclave qui obéirait régulièrement à l’ordre de sa cause, mais elle en conserve l’essentiel: l’idée de régularité; la fausse sobriété de l’empirisme dissimule une métaphore.
Or, une métaphore en valant une autre, on pourrait tout aussi bien parler du feu et de l’ébullition ou d’une classe montante et de sa révolution en des termes différents, où il n’y aurait plus que des sujets actifs: on dirait alors que, lorsque est réuni un dispositif comprenant du feu, une casserole, de l’eau et une infinité d’autres détails, l’eau «invente» de bouillir; et qu’elle le réinventera, chaque fois qu’on la mettra sur le feu: comme un acteur, elle répond à une situation, elle actualise un polygone de possibilités, elle déploie une activité que canalise un polygone de petites causes; celles-ci sont plus des obstacles qui limitent cette énergie que des moteurs. La métaphore n’est plus celle d’une boule lancée dans une direction déterminée, mais d’un gaz élastique qui occupe l’espace qui lui est laissé. Ce n’est plus en considérant «la» cause que l’on saura ce que ce gaz va faire ou plutôt il n’y a plus de cause: le polygone permet moins de prévoir la future configuration de cette énergie en expansion qu’il n’est révélé par l’expansion elle-même. Cette élasticité naturelle est appelée aussi volonté de puissance.
Si nous vivions dans une société où ce schéma métaphorique serait consacré, nous n’aurions aucune peine à admettre qu’une révolution, une mode intellectuelle, une poussée d’impérialisme ou le succès d’un système politique ne répondent pas à la nature humaine, aux besoins de la société ou à la logique des choses, mais que ce sont des modes, des projets pour lesquels on s’enflamme.

Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 47

Paul VeyneLes Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 44

S.

Subject switches to the active register by Benjamin Lévy and Alain Vanier

The Other of the “interpretingsubject is supposed to resent him, just as he resents the obsessional. This position is the cause of an anguish of retaliation; the stake is, according to Karl Abraham*, the anal Object. If this Object falls into the hands of the Other, the subject switches to the active register. Wishing to reappropriate it, he is likely, on the psychotic side, to become a “claimant“; or, in the neurosis, to hysterize himself.

L’Autre du sujet « interprétateur » est supposé lui en vouloir, tout comme il en veut à l’obsessionnel. Cette position est cause d’une angoisse de rétorsion ; l’enjeu en est, selon Karl Abraham*, l’Objet anal. Si cet Objet tombe entre les mains de l’Autre, le sujet bascule dans le registre actif . Souhaitant se le réapproprier, il est susceptible, sur le versant psychotique, de devenir « revendicateur » ; ou, dans la névrose, de s’hystériser.

Benjamin LévyAlain Vanier, « Pour introduire une clinique de la revendication », Cliniques méditerranéennes, 2016/1 (n° 93), p. 161-174.
DOI : 10.3917/cm.093.0161.
URL : https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2016-1-page-161.htm

* Karl Abraham, 1924, « Esquisse d’une histoire du développement de la libido fondée sur la psychanalyse des troubles mentaux », dans Œuvres complètes, t. II, 1915-1929, Paris, Payot, 1989, 170-226.

I.

Interpretive delusion is often seen as a mode of recovery by Benjamin Lévy and Alain Vanier

We speak, here, in terms of logical time, not chronological. In this relation, the interpretive delusion is often seen as a mode of recovery from chronic hallucinatory psychosis: by resorting to the postulate “Such and such an Other is persecuting me,” the subject becomes able to answer the question “What is happening to me?”. In the claim delusion, the occurrence of harm and the existence of an Object identified as the cause of the desire of an indeterminate Other (closer to “we” than to “he”) allow him not to remain uncertain about the intentions of the adverse instance. Through his delusion, the “claimant” implicitly completes the sentence that sums up the delusion of persecution, to state: “An Other (persecutes me because he) wants my Object”. This position makes it possible to contain the anguish induced by the desire of the Other (“What does he want from me?”) by reducing the question to a univocal answer: “It is not me that he wants, it is my Object that he wants”. The switch to the active register (“but I won’t let myself be done”) has the effect of overcoming the anxiety of retaliation.
If our hypotheses are correct, there are thus:
1. Identification of the persecution as the cause of the emergence of an experience of strangeness (“The Other persecutes me…”);
2. Designation of the Object as the cause of the desire of the Other (“… because they want my Object… “);
3. Struggle against the feeling of dispossession (“… but I will not let myself be dispossessed “).

Table of interpretation or claim delusions by Benjamin Lévy and Alain Vanier
interpretation or claim delusions

Nous parlons, ici, en termes de temps logiques, et non chronologiques. Sous ce rapport, on considère souvent que le délire d’interprétation est un mode de guérison de la psychose hallucinatoire chronique  : en recourant au postulat « Tel Autre me persécute », le sujet devient capable de répondre à la question « Que m’arrive-t-il ? ». Dans le délire de revendication, la survenue d’un préjudice et l’existence d’un Objet identifié comme cause du désir d’un Autre indéterminé (plus proche du « on » que du « il ») lui permettent de ne pas rester dans l’incertitude quant aux intentions de l’instance adverse. À travers son délire, le « revendicateur » complète implicitement la phrase qui résume le délire de persécution, pour énoncer : « Un Autre (me persécute parce qu’il) veut mon Objet » Cette position permet de contenir l’angoisse induite par le désir de l’Autre (« Que me veut-il ? ») en rabattant la question sur une réponse univoque : « Ce n’est pas à moi qu’il en veut, c’est mon Objet qu’on veut ». La bascule dans le registre actif (« mais je ne me laisserai pas faire ») a pour effet de surmonter l’angoisse de rétorsion.
Si nos hypothèses sont exactes, il y a donc :
1. Identification de la persécution comme cause de l’émergence d’un vécu d’étrangeté (« L’Autre me persécute… ») ;
2. Désignation de l’Objet comme cause du désir de l’Autre (« … parce qu’on veut mon Objet… ») ;
2. Lutte contre le sentiment de dépossession (« … mais je ne me laisserai pas faire »).

Benjamin Lévy, Alain Vanier, « Pour introduire une clinique de la revendication », Cliniques méditerranéennes, 2016/1 (n° 93), p. 161-174.
DOI : 10.3917/cm.093.0161.
URL : https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2016-1-page-161.htm

&.

“masculine” and “feminine” by Sigmund Freud

But psychoanalysis cannot elucidate the intrinsic nature of what in conventional or in biological phraseology is termed “masculine” and “feminine”: it simply takes over the two concepts and makes them the foundation of its work. When we attempt to reduce them further, we find masculinity vanishing into activity and femininity into passivity, and that does not tell us enough.

Quant à l’essence de ce que, au sens conventionnel ou au sens biologique, on nomme “masculin” et le “féminin”, la psychanalyse ne peut l’élucider; elle reprend à son compte les deux concepts et les met a la base de ses travaux. Si l’on tente de les ramener à des principes plus originaires, la masculinité se volatilise en activité, et la féminité en passivité, ce qui est trop peu.

Sigmund Freud, “Psychogénèse d’un cas d’homosexualité féminine” in Névrose, psychose et perversion (1973), PUF, 2004, p. 270


English Pdf : “The psychogenesis of a case of female Homosexuality”

W.

Way to shame by Claude Janin

Thus, we can build the hypothesis according to which that it is in the regressive reversal of sadism into masochism that guilt (actived) gives way to shame (suffered).

On peut donc faire l’hypothèse que c’est dans le retournement régressif du sadisme en masochisme que la culpabilité (active) cède la place à la honte (subie).

Claude Janin, « Pour une théorie psychanalytique de la honte (honte originaire, honte des origines, origines de la honte) », Revue française de psychanalyse, 2003/5 (Vol. 67), p. 1657-1742
DOI : 10.3917/rfp.675.1657
URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2003-5-page-1657.htm