T.

The sin of being born by Albert Cohen

Of course, antisemites, tender souls, of course, it is not a story of concentration camp that I told, and I did not suffer in my body on this tenth anniversary, on my tenth birthday. Of course, we have done better since then. Of course, camelot only gave shame to a little child, he only informed him about his infamous quality. Of course, he only convinced him of the sin of being born, a sin that deserves suspicion and hatred. But it’s still not bad to teach a sweet little child that he is an accursed person and to twist his soul forever.

Bien sûr, antisémites, âmes tendres, bien sûr, ce n’est pas une histoire de camp de concentration que j’ai contée, et je n’ai pas souffert dans mon corps en ce dixième anniversaire, en ce jour de mes dix ans. Bien sûr, on a fait mieux depuis. Bien sûr, le camelot n’a fait que donner de la honte à un petit enfant, il l’a seule ment renseigné sur sa qualité d’infâme. Bien sûr, il l’a seulement convaincu du péché d’être né, péché qui mérite le soupçon et la haine. Mais ce n’est tout de même pas mal d’apprendre à un doux petit enfant qu’il est un maudit et de tordre à jamais son âme.

Albert CohenO vous, frères humains (1972), Gallimard, Collection Folio, Paris, 1989, p. 201

A.

Ashamed to live by Albert Cohen

“Allons enfants de la patrie”*, I murmured mechanically, and I decided not to breathe anymore in order to die and punish them. To this end, I pinched my nose between the thumb and the index finger, I tightened my lips and I began to count mutely to encourage me to die. At thirty, suffocating, I reopened my mouth, I freed my nostrils and I started to live again shamefully.

Allons, enfants de la patrie, murmurai-je machinalement, et je décidai de ne plus respirer afin de mourir et les punir. A cette fin, je me pinçai le nez entre le pouce et l’index, je serrai fort mes lèvres et je commençai à compter muettement pour m’encourager à mourir. A trente, étouffant, je rouvris la bouche, je libérai mes narines et je me remis honteusement à vivre.

*Lyrics of the french national anthem, so called La Marseillaise

Albert CohenO vous, frères humains (1972), Gallimard, Collection Folio, Paris, 1989, p. 152

J.

Jewish smile by Albert Cohen

O shame still writing it now, and it is an costfull admission, I made a supplicating look to my tormentor which disgraced me, I tried to manufacture a smile to pity him, a trembling smile, a sick smile, a smile of weak, a Jewish smile too soft and which wanted to disarm by its femininity and its tenderness, a poor smile of immediate frightened reaction that I then tried to transform and make joking and complicit, like Yes it’s a good joke but I know it’s not serious and you want to laugh and in reality we are good friends. A crazy hope of a helpless and lonely child. He’s going to feel sorry for me and he’s going to tell me it was a joke.

O honte encore à l’heure où j’écris, et c’est un aveu qui me coûte, je fis un regard suppliant à mon bourreau qui me déshonorait, j’essayai de fabriquer un sourire pour l’apitoyer, un sourire tremblant, un sourire malade, un sourire de faible, un sourire juif trop doux et qui voulait désarmer par sa féminité et sa tendresse, un pauvre sourire d’immédiate réaction apeurée et que je tentai ensuite de transformer et de faire plaisantin et complice, genre Oui c’est une bonne plaisanterie mais je sais que ce n’est pas sérieux et que vous voulez rire et qu’en réalité on est de bons amis. Un espoir fou d’enfant sans défense et tout seul. Il va avoir pitié et il me dira que c’était pour rire.

Albert CohenO vous, frères humains (1972), Gallimard, Collection Folio, Paris, 1989, p. 41

And I left, forever banished from the human family, leech of the poor world and bad as scabies, I left under the laughter of the satisfied majority, good people who loved each other in the hate together, niaisantly communing against a common enemy, the stranger, I left, keeping my smile, ugly trembling smile, smile of shame.

Et je suis parti, éternelle minorité, le dos soudain courbé et avec une habitude de sourire sur la lèvre, je suis parti, à jamais banni de la famille humaine, sangsue du pauvre monde et mauvais comme la gale, je suis parti sous les rires de la majorité satisfaite, braves gens qui s’aimaient de détester ensemble, niaisement communiant en un ennemi commun, l’étranger, je suis parti, gardant mon sourire, affreux sourire tremblé, sourire de la honte.

Albert CohenO vous, frères humains (1972), Gallimard, Collection Folio, Paris, 1989, p. 43

T.

They will be ashamed, and they will love us by Albert Cohen

Who knows, I thought, maybe, what I’m storytelling to them will change the Jew-haters, tear the fangs out of their souls? Yes, if I explain them the evil they did to a little child, by them suddenly shattered with misfortune, if they read this book to the end, they will understand, I told myself, and they will be ashamed of their wickedness, and they will love us.

Qui sait, me suis-je dit, ce que je vais leur conter va peut-être changer les haïsseurs de juifs, arracher les canines de leur âme? Oui, si je leur explique le mal qu’ils ont fait à un petit enfant, par eux soudain fracassé de malheur, s’ils lisent ce livre jusqu’à la fin, ils comprendront, me suis-je dit, et ils auront honte de leur méchanceté, et ils nous aimeront.

Albert Cohen, O vous, frères humains (1972), Gallimard, Collection Folio, Paris, 1989, p. 15