Each society had its doubters, who were more or less numerous and bold, depending on the indulgence displayed by the authorities. Greece had its share, as is attested by a remarkable line from Aristophanes‘ The Knights*. A slave despairing over his fate says to his companion in misfortune, “The only thing left to do is to throw ourselves at the feet of the gods,” and his comrade answers him, “Indeed! Say, then, do you really believe that there are gods?” I am not sure that this slave’s eyes were opened by the Sophist enlightenment. He belongs to the irreducible fringe of unbelievers who make their refusal less because of reason and the movement of ideas than in reaction to a subtle form of authority, the very same authority that Polybius attributed to the Roman Senate and that is practiced by all those who ally their throne to the altar**. Not that religion necessarily has a conservative influence, but some modalities of belief are a form of symbolic obedience. To believe is to obey. The political role of religion is not at all a matter of ideological content.

Paul Veyne, Did the Greeks Believe in Their Myths?: An Essay on the Constitutive Imagination, Chicago, University of Chicago Press, 1988, pp. 31-32

Chaque société a eu se cancres en piété, plus ou moins nombreux et effrontés selon que l’autorité était plus ou moins indulgente, La Grèce a eu les siens au témoignage d’un vers remarquable des Cavaliers d’Aristophane*; un esclave qui désespère de son sort dit à son compagnon d’infortune: «Il ne nous reste plus qu’à nous jeter aux pieds de images des dieux », et son camarade lui répond: « Vraiment! Dis tu crois vraiment qu’il y a des dieux ?»; je ne suis pas sûr que ce esclave ait eu les yeux dessillés par les Lumières des Sophistes: appartient à la marge incompressible d’incrédules dont le refuses moins dû à des raisonnements et au mouvement des idées qu’a une réaction contre une forme subtile d’autorité, celle-là même que Polybe attribuait au sénat romain et que pratiqueront tous ceux qui allieront leur trône à l’autel**. Non que la religion ait nécessairement une influence conservatrice, mais certaines modalités de croyance sont une forme d’obéissance symbolique; croire, c’est obéir. Le rôle politique de la religion n’est nullement une affaire de contenu idéologique.

Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 44

*Aristophane, Cavaliers, 32; cf. Nilsson, Geschichte der griech Religion, vol. I, p. 780

** Polybe, VI, 56; pour Flavius Josèphe, Contre Apion, Moïse a vu dans la religion un moyen de faire la vertu (II, 160). Même liaison utilitaire de la religion et de la morale chez Platon, Lois, 839 Cet 838 BD. Et chez Aristote, Métaph., 1074 B4.

Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 44

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