T.

To understand is to condemn by Jacques Lacan

Such is the crime of the Papin sisters, by the emotion it arouses and which exceeds its horror, by its value as an atrocious image, but symbolic down to its most hideous details: the most worn metaphors of hatred: “I would tear out her eyes” receive their literal execution. The popular conscience reveals the meaning it gives to this hatred by applying the maximum penalty here, as the ancient law did to the crime of slavery. Perhaps, as we shall see, it is mistaken about the real meaning of the act. But for the benefit of those who are frightened by the psychological path on which we are embarking in the study of responsibility, let us observe that the adage “to understand is to forgive” is submitted to the limits of each human community and that, outside these limits, to understand (or to believe we understand) is to condemn. The intellectual content of delirium appears to us, as we have said, as a superstructure that both justifies and negates the criminal impulse. We therefore conceive it as submitted to the variations of this drive, to the fall which results, for example, from its satisfaction in the princeps case of the particular type of paranoia we have described (the Aimée case), the delusion vanishes with the realisation of the aims of the act. We should not be surprised that this was also the case during the first months following the sisters’ crime. The correlative defects of the classic descriptions and explanations have for a long time led to a disregard for the existence, however crucial, of such variations, by affirming the stability of paranoid delusions, whereas there is only constancy of structure. This conception leads the experts to erroneous conclusions, and explains their embarrassment in the presence of numerous paranoid crimes, where their feeling of reality emerges in spite of their doctrines, but only engenders uncertainty in them.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99

Tel est ce crime des sœurs Papin, par l’émotion qu’il soulève et qui dépasse son horreur, par sa valeur d’image atroce, mais symbolique jusqu’en ses plus hideux détails: les métaphores les plus usées de la haine : « Je lui arracherais les yeux » reçoivent leur exécution littérale. La conscience populaire révèle le sens qu’elle donne à cette haine en appliquant ici le maximum de la peine, comme la loi antique au crime des esclaves. Peut-être, nous le verrons, se trompe-t-elle ainsi sur le sens réel de l’acte. Mais observons, à l’usage de ceux qu’effraie la voie psychologique où nous engageons l’étude de la responsabilité, que l’adage « comprendre, c’est pardonner » est soumis aux limites de chaque communauté humaine et que, hors de ces limites, comprendre (ou croire comprendre), c’est condamner. Le contenu intellectuel du délire nous apparaît, nous l’avons dit, comme une superstructure à la fois justificative et négatrice de la pulsion criminelle. Nous le concevons donc comme soumis aux variations de cette pulsion, à la chute qui résulte par exemple de son assouvissement dans le cas princeps du type particulier de paranoïa que nous avons décrit (le cas Aimée), le délire s’évanouit avec la réalisation des buts de l’acte. Nous ne nous étonnerons pas qu’il en ait été de même pendant les premiers mois qui ont suivi le crime des sœurs. Les défauts corrélatifs des descriptions et des explications classiques, ont longtemps fait méconnaître l’existence, pourtant capitale, de telles variations, en affirmant la stabilité des délires paranoïaques, alors qu’il n’y a que constance de structure cette conception conduit les experts à des conclusions erronées, et explique leur embarras en présence de nombreux crimes paranoïaques, où leur sentiment de la réalité se fait jour malgré leurs doctrines, mais n’engendre chez eux que l’incertitude.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99

C.

Camouflage of motives : what delirium is by Jacques Lacan

The aggressive drive, which resolves itself in murder, thus appears as the affection that serves as the basis of psychosis. It can be said to be unconscious, which means that the intentional content that translates it into consciousness cannot manifest itself without a compromise with the social demands integrated by the subject, i.e. without a camouflage of motives, which is precisely what delirium is all about.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, p. 97

La pulsion agressive, qui se résout dans le meurtre, apparaît ainsi comme l’affection qui sert de base à la psychose. On peut la dire inconsciente, ce qui signifie que le contenu intentionnel qui la traduit dans la conscience ne peut se manifester sans un compromis avec les exigences sociales intégrées par le sujet, c’est-à-dire sans un camouflage de motifs, qui est précisément tout le délire.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, p. 97

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, p. 97

D.

Difference between paraphrenic affections and the transference neuroses by Sigmund Freud

The difference between paraphrenic affections and the transference neuroses appears to me to lie in the circumstance that, in the former, the libido that is liberated by frustration does not remain attached to objects in phantasy, but withdraws on to the ego. Megalomania would accordingly correspond to the psychical mastering of this latter amount of libido, and would thus be the counterpart of the introversion on to phantasies that is found in the transference neuroses; a failure of this psychical function gives rise to the hypochondria of paraphrenia and this is homologous to the anxiety of the transference neuroses. We know that this anxiety can be resolved by further psychical working-over, i.e. by conversion, reaction-formation or the construction of protections (phobias). The corresponding process in paraphrenics is an attempt at restoration, to which the striking manifestations of the disease are due.

Sigmund FreudOn Narcissism : An introduction (1914), Trans. James Strachey (1925)

Je situe la différence entre ces affections et les névroses de transfert dans le fait que la libido libérée par la frustration ne se maintient pas dans les objets du fantasme mais se retire sur le moi. Le délire des grandeurs correspond alors à la maîtrise psychique de cette quantité de libido, donc à l’introversion sur des formations de fantasme dans les névroses de transfert; l’hypochondrie de la paraphrénie, qui est l’homologue de l’angoisse des névroses de transfert, prend sa source dans la défaillance de cette action psychique. Nous savons que cette angoisse peut être relayée par une élaboration psychique ultérieure, c’est-à-dire par conversion, formation réactionnelle, formation de protection (phobie). Dans les paraphrénies, cette fonction est occupée par la tentative de restitution, à laquelle nous devons les symptômes les plus voyants de la maladie.

Sigmund FreudPour introduire le narcissisme. Trad. Hélène Francoual, Éditions In press, Paris, 2017, p.42

Sigmund FreudPour introduire le narcissisme. Trad. Hélène Francoual, Éditions In press, Paris, 2017, p.42

D.

Delirium as a piece to glue the flaw by Sigmund Freud

With regard to deliriums, some analyses have taught us that madness is used there as a piece that is initially glued where there had occurred a flaw in the relationship of the ego to the outside world. If the solution of the conflict with the outside world does not yet appear to us more clearly than it does now, it is because in the clinical picture of psychosis, manifestations of the pathogenic process are often covered by those of an attempt at healing or reconstruction.

En ce qui concerne les délires quelques analyses nous ont appris que la folie y est employée comme une pièce qu’on colle là initialement s’était produite une faille dans la relation du moi au monde extérieur. Si la solution du conflit avec le monde extérieur ne nous apparaît pas encore avec plus de netteté qu’elle ne le fait maintenant, c’est que dans le tableau clinique de la psychose les manifestations du processus pathogène sont souvent recouvertes par celles d’une tentative de guérison ou de reconstruction.

Sigmund Freud, “Névrose et Psychose” in Névrose, psychose et perversion (1973), PUF, 2004, p. 285