F.

Familiarity with history of civilization and myths by Sigmund Freud

The study of the sexuality of children and its transformations up to maturity has also given us the key to an understanding of what are known as the sexual perversions, which people used always to describe with all the requisite indications of disgust but whose origin they were never able to explain. The whole topic is of uncommon interest, but for the purposes of our conversation there is not much sense in telling you more about it. To find one’s way about in it one of course needs anatomical and physiological knowledge, all of which is unfortunately not to be acquired in medical schools. But a familiarity with the history of civilization and with mythology is equally indispensable.

Sigmund Freud, The Question of Lay Analysis, Tra. J. Strachey, 1926

L’étude de la sexualité infantile et de ses transformations jusqu’à la maturité nous a également donné la clef permettant de comprendre ce qu’on nomme perversions sexuelles, que l’on avait coutume de décrire toujours avec les marques requises du dé- goût, mais dont on ne pouvait pas expliquer l’instauration. Tout ce domaine est d’un immense intérêt, mais étant donné les buts assignés à nos entretiens il ne rimerait à rien de vous en dire plus à ce sujet. Pour s’y retrouver, on a besoin naturellement de connaissances anatomiques et physiologiques qu’on ne peut malheureusement pas toutes acquérir à l’école de médecine, mais la familiarité avec l’histoire des civilisations et la mythologie est également indispensable.

Sigmund Freud, La question de l’analyse profane, 1927

Sigmund Freud, La question de l’analyse profane (1927), Gallimard, Paris, 1985, pp. 71 – 72

C.

Civilization imposes restrictions by Sigmund Freud

The liberty of the individual is no gift of civilization. It was greatest before there was any civilization, though then, it is true, it had for the most part no value, since the individual was scarcely in a position to defend it. The development of civilization imposes restrictions on it, and justice demands that no one shall escape those restrictions. What makes itself felt in a human community as a desire for freedom may be their revolt against some existing injustice, and so may prove favourable to a further development of civilization; it may remain compatible with civilization. But it may also spring from the remains of their original personality, which is still untamed by civilization and may thus become the basis in them of hostility to civilization. The urge for freedom, therefore, is directed against particular forms and demands of civilization or against civilization altogether. It does not seem as though any influence could induce a man to change his nature into a termite’s. No doubt he will always defend his claim to individual liberty against the will of the group.

Sigmund Freud, Civilizations and its discontents, Trad. J. Strachey, W W Norton & Company, Inc, New-York, 1962 pp. 42 – 43

“La liberté individuelle n’est pas un bien de culture. C’est avant toute culture qu’elle était la plus grande, mais alors le plus souvent sans valeur, parce que l’individu était à peine en état de la défendre. Du fait du développement de la culture, elle connaît des restrictions et la justice exige que ces restrictions ne soient épargnées à personne. Ce qui bouillonne dans une communauté humaine en tant que poussée à la liberté peut être révolte contre une injustice existante et ainsi être favorable à un développement ultérieur de la culture, rester conciliable avec la culture. Mais cela peut aussi être issu du reste de la personnalité originelle, non domptée par la culture, et devenir ainsi le fondement de l’hostilité à la culture. La poussée à la liberté se dirige donc contre des formes et des revendications déterminées de la culture ou bien contre la culture en général. Il ne semble pas qu’en exerçant une quelconque influence on puisse amener l’homme à muer sa nature en celle d’un termite, il défendra sans doute toujours sa revendication de liberté individuelle contre la volonté de la masse.”

Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation (1929),

Sigmund Freud, Malaise dans la culture (1929), Trad. Coté, Lainé, Stute-Cadiot, PUF, Paris, 1995, p. 39

W.

Whether the dragons of primaeval days are really extinct by Sigmund Freud

Our first account of the development of the libido was that an original oral phase gave way to a sadistic-anal phase and that this was in turn succeeded by a phallic-genital one. Later research has not contradicted this view, but it has corrected it by adding that these replacements do not take place all of a sudden but gradually, so that portions of the earlier organization always persist alongside of the more recent one, and even in normal development the transformation is never complete and residues of earlier libidinal fixations may still be retained in the final configuration. The same thing is to be seen in quite other fields. Of all the erroneous and superstitious beliefs of mankind that have supposedly been surmounted there is not one whose residues do not live on among us today in the lower strata of civilized peoples or even in the highest strata of cultural society. What has once come to life clings tenaciously to its existence. One feels inclined to doubt sometimes whether the dragons of primaeval days are really extinct.

Sigmund Freud, “Analysis Terminable and Interminable” (1937), Standard Edition Vol XXIII, Trans. James Strachey, The Hogarth Press, London, 1964, pp. 229

Si, dars notre description du développement libidinal, nous avons énoncé qu’une phase orale originelle faisait place à la phase sadique-anale et celle-ci à la phase phallique-génitale, la recherche ultérieure n’y a sans doute pas contredit, mais a ajouté en correctif que ces substitutions ne s’effectuent pas brusquement mais progressivement, de sorte qu’à tout moment des fragments de l’organisation antérieure subsistent à côté de la plus récente et que, même dans le développement normal, la transformation ne se fait jamais complètement, de sorte que des restes des fixations libidinales antérieures peuvent se trouver maintenus jusque dans la configuration définitive. Nous voyons la même chose dans de tout autres domaines. Il n’est aucune des croyances erronées et superstitieuses de l’humanité, prétendument surmontées, dont il ne survive aujourd’hui parmi nous des restes dans les couches plus ou moins profondes des peuples de la culture ou même dans les couches supérieures de la société de la culture. Ce qui une fois est venu à la vie entend s’affirmer avec ténacité. On pourrait parfois douter que les dragons des temps originaires soient vraiment morts jusqu’au dernier.

Sigmund FreudL’analyse finie et l’analyse infinie (1937), PUF, Paris, 2021, p. 18

Sigmund FreudL’analyse finie et l’analyse infinie (1937), PUF, Paris, 2021, p. 18

P.

Paranoia as a cultural symptom by Patrick O’Donnell

Once paranoia is viewed as a cultural symptom – that is, a manifestation of certain sociosymbolic investments – it becomes evident that it is historically anchored in a much more complex and enlarged sense than can be gathered by exploring its more local materializations in cold war culture. Cultural paranoia must be looked at within the larger, global perspective provided by Jameson’s understanding of the inter sections of late capitalism and postmodernity, even as the analysis must be vectored (as it is in this book) with specific issues related to nationalism, gender and racial differentiations, criminality, the formation of history, and a host of other lines of flight that one could pursue. Paranoia did not die with the fall of the wall and the liberation of Bucharest. It is in fact thriving, as it always has, in the U.S. cultural imaginary: the X-Files craze, survivalism, the new millennialism, the Unabomber, comet cults, the fascination with the alien abject, the proliferation of conspiracy theories to the point of self-parody – all speak to the persistence of cultural paranoia as symptomatic of nation and identity within postmodern circumstances. Because the trope that governs cultural paranoia is metonymy, there is little doubt that by the time the reader views this list, several new incarnations will have appeared. Indeed, as I argue, for the very reason that it is a symptom paranoia will not go away; in its most general aspect, it is the symptom of cultural identities negotiated within and in apposition to “history.”

Une fois que la paranoïa est considérée comme un symptôme culturel – c’est-à-dire une manifestation de certains investissements sociosymboliques – il devient évident qu’elle est historiquement ancrée dans un sens beaucoup plus complexe et élargi que ce que l’on peut recueillir en explorant ses matérialisations plus locales dans la culture de la guerre froide. La paranoïa culturelle doit être examinée dans la perspective plus large et globale fournie par la compréhension de Jameson des intersections du capitalisme tardif et de la postmodernité, même si l’analyse doit être vectorisée (comme c’est le cas dans ce livre) avec des questions spécifiques liées au nationalisme, aux différenciations de genre et de race, à la criminalité, à la formation de l’histoire et à une foule d’autres lignes de fuite que l’on pourrait poursuivre. La paranoïa n’est pas morte avec la chute du mur et la libération de Bucarest. En fait, elle prospère, comme elle l’a toujours fait, dans l’imaginaire culturel américain : l’engouement pour les X-Files, le survivalisme, le nouveau millénarisme, Unabomber, les cultes des comètes, la fascination pour l’alien abject, la prolifération des théories du complot jusqu’à l’auto-parodie – tout cela témoigne de la persistance de la paranoïa culturelle comme symptôme de la nation et de l’identité dans les circonstances postmodernes. Comme le tropisme qui régit la paranoïa culturelle est la métonymie, il ne fait guère de doute qu’au moment où le lecteur consultera cette liste, plusieurs nouvelles incarnations seront apparues. En effet, comme je le soutiens, pour la raison même qu’il s’agit d’un symptôme, la paranoïa ne disparaîtra pas ; dans son aspect le plus général, elle est le symptôme d’identités culturelles négociées au sein et en apposition à “l’histoire”. 

Patrick O’Donnell, Latent Destinies: Cultural Paranoia and Contemporary U.S. Narrative, Duke University Press, Londres, 2007, p. 8

H.

Human drive of aggression and self-annihilation by Sigmund Freud

The decisive question for the fate of the human specie seems to me to be whether and to what extent her cultural development will succeed in making itself master of the disruption brought to common life by the human drive of aggression and self-annihilation.

La question décisive pour le destin de l’espèce humaine me semble être de savoir si et dans quelle mesure son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée à la vie en commun par l’humaine pulsion d’agression et d’auto-anéantissement.

Sigmund Freud, Malaise dans la culture (1929), Points Essais, Paris, 2010, p. 89