B.

Better life after death as a recompense by Sigmund Freud

Religions continue to dispute the undeniable fact of the death of each one of us and to postulate a life after death; civil governments still believe that they cannot maintain moral order among the living if they do not uphold this prospect of a better life after death as a recompense for earthly existence. In our great cities, placards announce lectures which will tell us how to get into touch with the souls of the departed; and it cannot be denied that many of the most able and penetrating minds among our scientific men have come to the conclusion, especially towards the close of their lives, that a contact of this kind is not utterly impossible. Since practically all of us still think as savages do on this topic, it is no matter for surprise that the primitive fear of the dead is still so strong within us and always ready to come to the surface at any opportunity. Most likely our fear still contains the old belief that the deceased becomes the enemy of his survivor and wants to carry him off to share his new life with him. Considering our unchanged attitude towards death, we might rather inquire what has become of the repression, that necessary condition for enabling a primitive feeling to recur in the shape of an uncanny effect. But repression is there, too. All so-called educated people have ceased to believe, officially at any rate, that the dead can become visible as spirits, and have hedged round any such appearances with improbable and remote circumstances; their emotional attitude towards their dead, moreover, once a highly dubious and ambivalent one, has been toned down in the higher strata of the mind into a simple feeling of reverence.

Sigmund Freud, The “Uncanny”, First published in Imago, Bd. V., 1919; reprinted in Sammlung, Fünfte Folge. Translated by Alix Strachey

De nos jours encore, les religions contestent son importance au fait incontestable de la mort individuelle, et elles font continuer l’existence par-delà la fin de la vie ; les autorités publiques ne croiraient pas pouvoir maintenir l’ordre moral parmi les vivants, s’il fallait renoncer à voir la vie terrestre corrigée par un au-delà meilleur ; on annonce sur les colonnes d’affichage de nos grandes villes des conférences qui se proposent de faire connaître comment on peut se mettre en relation avec les âmes des défunts, et il est indéniable que plusieurs des meilleurs esprits et des plus subtils penseurs parmi les hommes de science, surtout vers la fin de leur propre vie, ont estimé que la possibilité à de pareilles communications n’était pas exclue. Comme la plupart d’entre nous pense encore sur ce point comme les sauvages, il n’y a pas lieu de s’étonner que la primitive crainte des morts soit encore si puissante chez nous et se tienne prête à resurgir dès que quoi que ce soit la favorise. Il est même probable qu’elle conserve encore son sens ancien : le mort est devenu l’ennemi du survivant, et il se propose de l’emmener afin qu’il soit son compagnon dans sa nouvelle existence. On pourrait plutôt se demander, vu cette immutabilité de notre attitude envers la mort, où se trouve la condition du refoulement exigible pour que ce qui est primitif puisse reparaître en tant qu’inquiétante étrangeté. Mais elle existe cependant ; officiellement, les soi-disant gens cultivés ne croient plus que les défunts puissent en tant qu’âmes réapparaître à leurs yeux, ils ont rattaché leur apparition à des conditions lointaines et rarement réalisées, et la primitive attitude affective à double sens, ambivalente, envers le mort, s’est atténuée dans les couches les plus hautes de la vie psychique jusqu’à n’être plus que celle de la piété.

Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté, Das Unheimliche, 1919, Essais de psychanalyse appliquée, traduit par M Bonaparte et E Marty

Sigmund Freud, “L’inquiétante étrangeté” in Essais de psychanalyse appliquée (1933), Gallimard, Paris, 1971

S.

Substitutive relation from eye and male member by Sigmund Freud

We may try to reject the derivation of fears about the eye from the fear of castration on rationalistic grounds, and say that it is very natural that so precious an organ as the eye should be guarded by a proportionate dread; indeed, we might go further and say that the fear of castration itself contains no other significance and no deeper secret than a justifiable dread of this kind. But this view does not account adequately for the substitutive relation between the eye and the male member which is seen to exist in dreams and myths and phantasies; nor can it dispel the impression one gains that it is the threat of being castrated in especial which excites a peculiarly violent and obscure emotion, and that this emotion is what first gives the idea of losing other organs its intense colouring. All further doubts are removed when we get the details of their “castration complex” from the analyses of neurotic patients, and realize its immense importance in their mental life.

Sigmund Freud, The “Uncanny”, First published in Imago, Bd. V., 1919; reprinted in Sammlung, Fünfte Folge. Translated by Alix Strachey

On peut tenter, du point de vue rationnel, de nier que la crainte pour les yeux se ramène à la peur de la castration ; on trouvera compréhensible qu’un organe aussi précieux que l’œil soit gardé par une crainte anxieuse de valeur égale, oui, on peut même affirmer, en outre, que ne se cache aucun secret plus profond, aucune autre signification derrière la peur de la castration elle-même. Mais on ne rend ainsi pas compte du rapport substitutif qui se manifeste dans les rêves, les fantasmes et les mythes, entre les yeux et le membre viril, et on ne peut s’empêcher de voir qu’un sentiment particulièrement fort et obscur s’élève justement contre la menace de perdre le membre sexuel et que c’est ce sentiment qui continue à résonner dans la représentation que nous nous faisons ensuite de la perte d’autres organes. Toute hésitation disparaît lorsque, de par l’analyse des névropathes, on a appris à connaître les particularités du « complexe de castration » et le rôle immense que celui-ci joue dans leur vie psychique.

Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté, Das Unheimliche, 1919, Essais de psychanalyse appliquée, traduit par M Bonaparte et E Marty

Sigmund Freud, “L’inquiétante étrangeté” in Essais de psychanalyse appliquée (1933), Gallimard, Paris, 1971